Les employeurs enfin partants pour un recrutement… « délocalisé »?
16 juin 2021
Si les entreprises ont unanimement dit « oui » au télétravail pandémique, ce n’est pas parce qu’elles ont spontanément découvert les vertus du travail à distance… mais bien parce qu’elles désiraient faire leur part pour contrer le virus – en se conformant aux directives de la santé publique.
Et donc, jusqu’à récemment, peu d’entreprises avaient annoncé une intention de basculer dans un mode « tout virtuel » après la pandémie.
Dans un sondage d’octobre 2020 mené par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, on apprenait que 64% des dirigeants jugeaient que le télétravail ne convenait pas à leur modèle d’affaires. Selon un autre sondage, cette fois de HBR, 40% des gestionnaires avouaient avoir de la difficulté à mener une équipe à distance.
De manière anecdotique, à titre de journaliste, la plupart des dirigeants d’entreprise que j’ai interviewés cette année pour Isarta Infos continuaient de faire leur recrutement sur une base géographique, dans une perspective de retour au bureau post-pandémie. Habituellement, l’option «post-pandémique» la plus populaire est une formule hybride des journées de travail à la maison et au bureau ou encore une politique de «libre choix».
Est-ce l’aggravation de la pénurie de main-d’oeuvre qui commence désormais à se faire sentir? Il semble que les employés commencent peu à peu à changer d’idée dans ce dossier. Certains indicateurs donnent désormais l’impression que ceux-ci sont prêts à considérer sérieusement l’option d’un recrutement « à distance ».
Sortir de New-York et des grands centres
La pénurie des professionnels en TI est notoire. Et la pandémie n’aura fait qu’accentuer le problème, avec l’accélération du virage numérique des entreprises. D’autre part, la relance semble être bel et bien engagée. Un article de Forbes rapporte l’analyse de Steven Jiang, président et chef de la direction de l’application Hiretual, qui a observé une hausse significative des requêtes de talents sur sa plateforme à partir d’octobre 2020.
Un constat qui ressort de l’analyse de ses requêtes est que les recruteurs cherchent dorénavant en dehors de leurs bassins naturels de recrutement que sont la côte est (New- York) et la côte ouest (Silicon Valley, San Francisco, Seattle). Les recruteurs s’annoncent dans des villes de taille moyenne de la région de Détroit, de Cincinnati et St-Louis, alors qu’ils concentraient habituellement leurs recherches dans des villes reconnues pour leur expertise technologique.
Selon l’article, le président de Hiretual affirme que les entreprises :
reconnaissent maintenant le travail à distance comme une alternative acceptable de recrutement à une présence au bureau à temps plein, donc les recruteurs cherchent des talents dans les plus petites villes et aussi à l’étranger ».
Autre signe d’une ouverture des employeurs à considérer le travail à distance comme une option valable de recrutement : une augmentation significative des affichages de poste offrant la possibilité de faire du travail à distance. Un coup de sonde provenant de Indeed lab révèle que les affichages mentionnant «travail à distance» ou « télétravail » ont plus que doublé en un an, passant de 2,9% en janvier 2020 à 6,9% en février 2021.
Le plus surprenant, peut-on lire dans l’analyse du sondage, est que les affichages de postes à distance ont continué de grimper même lorsque les travailleurs ont commencé à retourner au bureau. En fait, l’augmentation d’affichage incluant des termes liés au travail à distance s’est accélérée au début de l’année 2021, même lorsqu’on tient compte du changement de formulaire d’avril 2020.»
Un désir de plus en plus affirmé de « rester à la maison »
À l’occasion d’un sondage mené par SOM dans la région de Gatineau au début de l’année 2021, 44 % des télétravailleurs interrogés ont dit souhaiter rester à la maison « à temps plein ou presque » après la pandémie. Aux États-Unis, ce sont les parents en télétravail qui affirment haut et fort – dans une proportion de 61%, selon un sondage de FlexJobs – qu’ils veulent eux aussi rester à la «à temps plein», sinon ils quitteront leur emploi.
Plus près de nous, la professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal Tania Saba mène actuellement une enquête sur les conditions du retour au travail et, selon les résultats préliminaires, deux travailleurs sur trois (66 %) désirent «poursuivre le travail à distance», alors que les avis étaient partagés à plus ou moins 50 % en septembre dernier.
[Le télétravail] fut une grande révélation pour la plupart des travailleurs, incluant les gestionnaires, commente Mme Saba. Plus les gens ont expérimenté le télétravail au fil des mois, plus ils ont aimé ce mode d’organisation du travail qui est passé d’une situation d’urgence à une certaine normalité », explique Tania Saba.
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