L’interrogation directe en publicité: un art
Par Pascal Pelletier
S’adresser directement à lui (le lecteur) en l’interrogeant est, de toute évidence, une bonne manière de retenir son attention ou de relancer son intérêt. »
– Jean-Paul Laurent, Rédiger pour convaincre, Duculot.
L’importance de l’interrogation en publicité
Oui, capter l’attention de la cible et susciter son intérêt, voilà ce que peuvent provoquer de bonnes questions dans les annonces publicitaires. Comme le précise aussi Jean-Paul Laurent dans son excellent ouvrage mentionné ci-dessus, « l’emploi de tournures interrogatives oblige le destinataire à se sentir concerné. De plus, l’interrogation donne un pouvoir à l’interrogateur : en quelque sorte, il met l’interrogé en demeure de répondre ». Une question pertinente, et le lecteur est soudainement appelé à réfléchir. Et il y a plus encore.
L’interrogation est centrée sur le destinataire, alors que l’exclamation, dont on abuse trop souvent en publicité, est centrée sur l’émetteur. Et toute publicité efficace est centrée sur la cible, ses besoins et les avantages que l’offre annoncée pourra lui donner, et non sur l’élévation de ton, le « bruit » que provoque l’exclamation.
En outre, comme l’a justement relevé Geneviève Quillard dans son article « Relations intersubjectives et marqueurs culturels dans les publicités anglaises et françaises », « la question est à l’impératif ce que la médecine douce est aux traitements de choc : elle permet d’inscrire le destinataire en douceur dans le texte, c’est-à-dire sans risque de le heurter ou de le choquer : « Pourquoi ne pas ranger votre système d’exploitation Windows dans l’un de nos superbes coffrets fabriqués sur mesure? » ».
Je suis d’accord avec Mme Quillard, notamment lorsqu’elle explique que les questions confèrent aux publicités le style d’un dialogue, « dans la mesure où les interrogations forment une partie intégrante des échanges en face à face ». Interroger, c’est converser de façon vivante, créer ainsi une proximité, voire une familiarité – qui doit alors rester respectueuse – ou encore le ton de la confidence, entre l’annonceur et son lecteur. C’est vraiment démontrer à ce dernier qu’on s’intéresse à lui.
En un mot, poser une belle et bonne question, c’est toujours sympathique. Et Geneviève Quillard range le procédé parmi les 25 principes élémentaires que, selon Luc Dupont (1001 trucs publicitaires, Transcontinental), les scribes publicitaires doivent respecter pour écrire des textes qui vendent. En effet, les questions sont des « phrases personnelles » et qui piquent la curiosité en publicité.
Les questions doivent TOUJOURS provoquer la réponse attendue
Toutefois, interroger dans les annonces n’est pas sans risque, car il y a des pièges. Le premier est de poser des questions auxquelles bon nombre de lecteurs ne donneront pas la réponse que l’on souhaite et, par conséquent, ne liront pas le reste de l’annonce.
Par exemple : « Que diriez-vous d’une croisière dans les îles grecques le mois prochain et à un prix imbattable? » Le mois prochain, je ne suis pas libre… donc adieu annonceur! « Que diriez-vous, pour vos prochaines vacances, d’une croisière dans les îles grecques à un prix imbattable? » Voilà qui est mieux.
Autre exemple : « Êtes-vous satisfait de la position que les moteurs de recherche font à votre site? » Je peux répondre oui et ne pas lire l’annonce. « Voulez-vous améliorer la position de votre site dans les moteurs de recherche? » Voilà qui risque d’accrocher davantage de lecteurs.
Le défi est donc de poser une question à laquelle la totalité ou la quasi-totalité des lecteurs donneront la réponse que vous attendez. Comme l’indique ce site Internet, « Si votre titre se présente sous forme d’une question, assurez-vous que la réponse sera toujours OUI! ».
Évitez la négation et soyez clair et concret
Autre piège : écrire des questions en structure négative (ne…pas, ne… rien, ne… personne, etc.), qui demande au cerveau du lecteur un décodage qu’un lecteur pressé et distrait – donc particulièrement un internaute – pourrait ne pas faire, comme le montre l’exemple suivant.
« Vous n’en voulez plus de ces photocopieurs fragiles? » Peut-être que je n’en ai jamais possédé de tels et, surtout, je risque d’associer la marque du photocopieur qu’on cherche à me vendre au mot fragile, car c’est ce mot qui est écrit et que j’ai lu; pas son contraire, solide, sous-entendu par le décodage de la négation. Je préférerais qu’on me demande Que diriez-vous d’un photocopieur que vous garderiez 20 ans au lieu de 5? La question est positive et, en plus, quantifie un avantage pour la cible.
Méfiez-vous aussi des mots à connotation négatives, comme dangereux, coûteux, difficile, qui ont un effet répulsif. Et la double négation, qui demande un effort de décodage plus intense est à éviter à tout prix : Pourquoi ignorer des faits que vous ne pouvez pas ne pas connaître? En plus, la question est vague alors qu’elle devrait s’appuyer sur du concret. Annonceur, je suis déjà ailleurs que dans votre pub comprenant cette question alambiquée…
Être positif, clair, inclusif, concret et centré sur les avantages que la cible peut retirer de vos produits ou services, ce sont là des principes à respecter quand vous rédigez des questions dans vos annonces publicitaires.
La question dans les titres et intertitres
Ce dont il sera question dans cette section est valable pour les titres et intertitres d’annonces, mais aussi de tout texte Web, qu’il soit publicitaire ou non.
La question pour sélectionner la cible
Il est parfois essentiel que le titre d’une annonce sélectionne clairement la cible quand celle-ci n’est pas le « grand public », mais un groupe particulier. L’erreur, ici, est donc d’oublier de le faire. Dans MaxiMarketing, Stan Rapp et Thomas L. Collins écrivent que « ne pas désigner clairement les personnes que la publicité cherche à atteindre et ne pas éveiller l’attention de prospects de premier ordre au moment même où ils tournent la page de leur journal sont les erreurs les plus graves de la publicité ». Voyons pourquoi.
Supposons une publicité pour une police d’assurance destinée aux 65 ans ou plus. L’accroche se bornerait à « Voulez-vous une protection complète qui vous assurera enfin la tranquillité d’esprit? » Or, dans le texte qui suivrait, on lirait : « Cette offre, qui s’adresse aux 65 ans ou plus,… » Une telle pub va alors générer 2 types de résultats catastrophiques.
Premièrement, des centaines de lecteurs plus jeunes, accrochés par le titre, liront l’annonce jusqu’aux mots « 65 ans ou plus », qui indiquent qu’elle ne les concerne pas. Frustration! Or, il n’y a rien de pire, pour la notoriété, que de provoquer ce sentiment chez autant de personnes… qui auraient pu, à l’âge de la retraite, se souvenir de ce régime d’assurance!
Deuxièmement, des gens de 65 ans ou plus verront le titre, mais, comme celui-ci ne les interpelle pas particulièrement – la mention d’âge étant absente –, ils ne liront pas le reste, d’où une perte de clients potentiels.
Une expression comme « 65 ans ou plus », devrait donc faire partie de l’accroche-question : « Vous avez 65 ans ou plus? Voici une protection complète qui vous assurera enfin… » Vous vendez de la transplantation microcapillaire? Incluez dans votre titre-question des mots tels homme et perte de cheveux.
Comme l’a écrit Claude Hopkins, l’un des plus grands rédacteurs de l’histoire de la publicité : « Un titre a pour objet de saluer les gens que vous désirez toucher. C’est comme un chasseur qui dans un hôtel cherche un certain monsieur Jones parce qu’il a un message pour lui. » Les seuls produits pour lesquels la sélection de la cible dans l’accroche n’est pas essentielle sont ceux de consommation courante, qui visent toute la population.
Trois sortes de titres ou d’intertitres en questions efficaces
D’après maintes études, les titres ou intertitres en questions efficaces dans les publicités ou textes Web sont construits avec l’un ou l’autre des procédés suivants. Ils commencent par ou contiennent :
- Les mots pourquoi ou comment. « Pourquoi vous économiserez 15 % sur votre prime d’assurance? Comment garder votre auto sans rouille 10 ans ou plus? ». L’être humain est une « bête curieuse », donc qui adore connaître l’origine ou les raisons des choses ou les façons de réaliser quelque chose, d’où le fait que les mots pourquoi ou comment captivent les lecteurs de publicités que nous sommes.
- Des chiffres, ce qui fait sérieux ou documenté. Voyez le premier exemple de la puce ci-dessus ou ces titres toujours gagnants, aux chiffres 3, 7 ou 10 : « Saviez-vous qu’il existe 3 bonnes raisons de nous consulter? Connaissez-vous les 7 moyens d’économiser? », etc. Évidemment, on peut employer des chiffres dans une affirmation, et non obligatoirement dans une question. Toutefois, l’interrogation, ne l’oubliez pas, peut capter davantage l’attention de la cible.
- Qu’est-ce que… Il s’agit du titre-définition : « Qu’est-ce qu’un encan silencieux? » Si votre organisme offre un tel encan, une question comme celle-là sur votre site Web peut vous amener pas mal d’internautes. En effet, ceux qui sont à la recherche d’une telle définition, et non de votre organisation, auront tapé exactement cette question dans un moteur de recherche comme Google. Votre site apparaîtra dans les résultats de recherche et, qui sait, ces internautes pourront s’y rendre pour lire la définition sous la question… puis s’intéresser au reste de votre site!
La question comme outil qui rapporte gros dans les bannières Web
Selon une étude de la société I/PRO/DoubleClic sur l’efficacité des bannières Internet, poser une question simple et courte sur une bannière (pub Web) peut s’avérer très efficace – surtout si elle suscite la curiosité ou fait une offre gratuite – en augmentant jusqu’à 16 % le nombre de clics.
En terminant, les questions en « entonnoirs de oui »
Philosophe grec de l’Antiquité, Socrate voulait « accoucher les esprits » des gens en leur posant des questions – une méthode que l’on a appelée maïeutique. Or, la plupart de ses questions étaient très courtes, simples, enchaînées l’une à l’autre et exigeaient, comme réponse, un simple oui. En publicité, la maïeutique est une excellente technique.
En effet, si un client potentiel est forcé d’approuver une série d’évidences le concernant, les chances sont bonnes pour qu’il accepte aussi la proposition de l’annonceur, qui se trouve logiquement à la fin de cet « entonnoir de oui ». Pensez-y lorsque vous rédigez une annonce ou, comme dans l’exemple ci-dessous, une lettre de sollicitation de dons :
« Vous souhaitez que vos enfants, élèves à la même école que vous avez fréquentée avant eux, aient droit à une éducation aussi bonne, sinon meilleure? Que notre école leur offre des équipements et projets éducatifs de qualité? Et que ces projets soient à l’image des défis du XXIe siècle? Alors, nous espérons que vous ferez un don généreux… »