Loi C-18 et crise médiatique : « On est en train de creuser le fossé qui nous sépare de la solution »
Par Kévin Deniau
6 novembre 2023
Pour le grand retour du Social Show, le rendez-vous des pros du numérique et des médias sociaux, Francis Jette reçoit Denis Martel, stratège numérique, producteur et animateur de balado. Ensemble, ils reviennent sur les conséquences de la loi C-18 et la crise médiatique engendrée.
Depuis quelques mois, les articles de médias sont bloqués sur Facebook pour la population québécoise et canadienne, à la suite de la loi C-18. Le même phénomène risque de se reproduire en décembre du côté de Google. Quel est l’impact de cette situation sur les médias d’ici et quelles sont les solutions ?
Le stratège numérique Denis Martel se montre assez préoccupé par la situation :
Si nos contenus sont mal indexés, nos metadonnées mal structurées, nous seront invisibles auprès des grands moteurs de recherche. »
Avant de compléter :
L’investissement dans les médias, c’est un choix collectif. Au Québec plus qu’ailleurs compte tenu de notre réalité culturelle menacée. Il faut se dire qu’on doit investir pour la survie de nos médias. Pas pour faire des sous mais pour rester présent. Cela revient plus cher d’investir que de ne pas investir. »
« Ce n’est pas en les insultant qu’on va réussir à faire quelque chose »
Il faut dire, comme le reconnaissent Francis Jette et Denis Martel, que les plateformes américaines tiennent le gros bout du bâton.
On les a laissées mener leur barque comme bon leur semblait et manipuler nos données à leur guise. Dans la plupart des cas, ce fut à leur avantage. Ce qui se comprend : on est en affaire ! »
Malgré ce constat, l’ancien directeur de la planification stratégique de Cossette trouve la stratégie gouvernementale trop malhabile et dommageable.
Il faut les traiter comme des partenaires. Nous ne sommes pas en train de mettre la table pour une collaboration mais plutôt de les braquer. Je ne dis pas qu’il faut se mettre à genoux et les supplier. On est en train de creuser le fossé qui nous sépare de la solution », estime-t-il.
Selon Francis Jette, cette situation est un excellent test pour Facebook pour mesurer l’impact de la disparition des contenus des médias sur la rétention des utilisateurs. Or, selon lui, ils ne représentent que 3 % des contenus dans les fils d’actualités et que cela n’a eu aucun impact en termes de statistiques.
Un avis partagé par Denis Martel :
Si les plateformes ne sont pas capable de générer du contenu avec les médias, ils vont le faire avec d’autres. On l’a bien vu avec les pages d’entreprise dont la portée organique a chuté après un changement d’algorithme, au profit des publications d’amis. Je ne dis pas cela pour les défendre mais plutôt pour reconnaître qu’il faut vivre avec nos réalités. On a le droit d’être fâché, sauf que cela ne va pas assurer la survie de nos médias. »
Les récentes difficultés et plans sociaux de TVA l’illustrent particulièrement.
Pour lui, c’est aussi à l’industrie des médias de se prendre en main.
Je n’ai jamais entendu le début d’un discours sur comment ces derniers allaient remplacer ces 1,9 milliards de liens amenés par Facebook. C’est comme si on s’est laissé imposé un système basé sur la performance et sur la masse de clics. Or, quand on est 6 millions, ce modèle ne marche pas », ajoute-t-il.
Une piste de solution ? Les contenus payants accessibles derrière un mur de paiement. Encore faut-il réussir à faire payer les utilisateurs, habitués à ne pas verser d’argent auparavant… d’autant que la concurrence ne vient pas seulement de tout ce qui est en ligne, mais des achats plaisir dans leur globalité !
Une reflexion complexe mais essentielle aussi bien d’un point de vue culturel que sociétal.
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