Marketing durable – Pourquoi l’industrie publicitaire est-elle si en retard ?
28 novembre 2023
L’industrie québécoise du marketing et des communications semble vouloir s’engager dans un virage «vert»… à très petits pas. On constate une multiplication des initiatives, mais, dans son ensemble, la transition apparaît timide. Nous avons abordé la question avec Valérie Vedrines, présidente fondatrice de Masse Critique, un collectif qui regroupe des acteurs du monde du marketing et des communications désireux de s’engager dans la transition.
Valérie Vedrines n’est pas tendre avec son secteur professionnel:
Nous sommes dans une industrie qui n’a pas beaucoup évolué en 50 ans, dit-elle d’entrée de jeu. À bien des égards, nous faisons encore les pratiques de ‘Mad Men’. Il est temps que l’industrie publicitaire fasse partie de la solution et non seulement du problème. Il faut donc se demander comment transformer notre industrie pour aller dans la bonne direction. »
La consultante en marketing vert note un certain retard de ce côté de l’Atlantique.
Nous travaillons avec des organisations comme Corporate disruptors et Creative for Climate en Europe, mais en Amérique du Nord de manière générale, on est un peu plus à l’arrière. La bonne nouvelle, c’est que, depuis le lancement de Masse critique, il y a un an, nous avons réussi à convaincre beaucoup d’entreprises à se joindre à nous, pour se transformer. Il y a donc un désir d’évolution, même s’il reste beaucoup à faire. »
Les agences ont accès à plusieurs leviers pour agir sur la question environnementale, rappelle-t-elle. Ça commence à l’écran, lors de l’idéation et la création du contenu des campagnes.
Les agences doivent cesser de proposer des publicités où l’on voit, par exemple, un grand bungalow et 2 VUS garés devant la maison… pour annoncer un produit de lessive! Plusieurs campagnes renvoient un message d’abondance plutôt que de restriction ou de sobriété. »
Les agences peuvent aussi agir lors des tournages, en calculant puis en réduisant leur empreinte carbone.
Il y a vraiment beaucoup de retard au niveau des tournages verts, note-t-elle. C’est absurde de constater que l’industrie du cinéma et du court métrage sont relativement plus avancées que l’industrie publicitaire, alors que cette dernière a plus de moyens. »
Comment expliquer ce retard?
Je pense que cela vient d’un manque de connaissance. C’est aussi bête que ça. Comme nous sommes dans une industrie qui n’est pas nécessairement considérée comme ‘polluante’, nous sommes passés sous le radar. Quand une entreprise regarde sa chaîne d’approvisionnement, elle s’attaque au transport, par exemple. Et donc, ça n’a jamais été une priorité de réduire notre empreinte. »
D’ailleurs, le virage durable est moins coûteux qu’on ne le croit selon elle.
Mettre en place des pratiques axées sur la sobriété n’est pas plus cher pour une entreprise, bien au contraire ! »
D’après elle, l’industrie publicitaire ne pourra pas changer sans l’aide de ses clients et du gouvernement.
Les agences ne changeront pas si leurs clients ne changent pas. À cet égard, il est important de valoriser les entreprises qui parlent de leur démarche écoresponsable et d’éviter de s’enfermer dans l’écosilence. Aussi, je souhaite que le gouvernement change ses appels d’offres en prenant en considération l’empreinte de ses campagnes. C’est un très gros donneur d’ordre, alors ça aiderait beaucoup l’industrie à se transformer. »