Plateau vert : de grandes ambitions… mais beaucoup de chemin à faire encore!
3 mai 2023
L’année dernière, Koze Productions a profité du tournage de sa Websérie de fiction Vidanges pour faire l’expérience d’un plateau « vert », dans la mesure de ses moyens et de ses capacités. L’équipe publie aujourd’hui un « greenbook » pour témoigner des enjeux mais aussi des opportunités découlant d’une telle initiative. Entrevue avec Vincent Chabot, producteur et président Koze Productions.
La Websérie que vous produisiez – Vidanges, Lauréat du prix Vivats 2022 – avait une thématique évidente liée à l’environnement. On suppose que l’idée d’un plateau «vert» s’est imposée dès le départ?
Vincent Chabot : Oui et non. Quand nous avons débuté le projet il y a 4 ans, je ne pourrais pas dire que le plateau vert était notre intention. Nous voulions poser des gestes écoresponsables pendant le tournage, mais c’est vraiment quand la période de tournage est arrivée et que nous avons pris connaissance de l’accréditation On tourne vert – qui n’existait pas il y a 4 ans – que l’intention s’est précisée. L’accréditation prévoit des paramètres définis pour déployer un plateau écoresponsable ; nous nous sommes dit : donnons-nous les moyens d’établir le plus haut standard possible et documentons le tout à travers notre greenbook.
Où se trouve l’empreinte carbone d’un plateau de tournage?
V. C. : Les 4 éléments principaux sont le transport – comment se rendre sur le lieu de tournage -, la régie – donc, tout ce qui est au niveau des génératrices pour les roulottes de comédiens, les repas et la production de déchets et les décors – on va créer, produire et acheter autant des costumes et des éléments de décor qui sont rarement réutilisés.
Parmi les initiatives déployées pendant le tournage, vous avez recyclé, encouragé les artisans à prendre le transport en commun ou faire du covoiturage, réduit l’utilisation du papier sur le plateau… Comment cela a-t-il été reçu ?
V. C. : J’ai été inspiré de Barbara Shrier qui fait des tournages écoresponsables depuis longtemps déjà, et qui n’imprime pas de réductions de scène pour les acteurs… Or, nous avons rencontré beaucoup de résistance face à cette idée. Nous avons ainsi sommé passé de 100% sans papier à 75%. Il y a encore beaucoup d’exploration et d’innovation à faire pour qu’un plateau vert devienne la norme de l’industrie. Et la méthodologie est en train de se développer.
À la lecture du greenbook, on comprend que vous avez fait preuve de créativité pour limiter le gaspillage des ressources tels que les costumes et les décors.
V. C. : Les costumes et les éléments de décor sont un bon exemple, en effet. Habituellement, on achète beaucoup de matériel qui n’est pas nécessairement réutilisé par la suite. Sur ce tournage, nous avons pris des ententes autant avec de grands costumiers ou des magasins de vêtements comme Simons ou Le village des Valeurs, pour obtenir des prêts de vêtements. C’est un réflexe à développer : il faut se demander quelles sont les options de prêt ou de location? Ça demande beaucoup d’ingéniosité pour trouver des solutions qui ne sont pas nécessairement en place à l’heure actuelle.
Ça semble être le constat général de votre greenbook : l’absence d’infrastructures pour supporter des tournages verts.
V. C. : C’est ce qui a été le plus frappant pour nous. Lorsque nous avons décidé de faire une bonne gestion des matières résiduelles, incluant le compost et le recyclage, nous nous sommes rendu compte que la ville n’offrait pas de solutions simples pour recevoir notre collecte. Nous avons dû créer notre propre station de tri et ensuite ramener nos canettes et notre compost à la maison. Certaines mesures écoresponsables seraient donc plus faciles à déployer avec le soutien des villes.
Dans quelle mesure avez-vous été capable de mesurer et ensuite réduire votre empreinte carbone ?
V. C. : Nous avons principalement mesuré notre empreinte liée aux transports, aux déplacements et à l’utilisation de l’énergie sur le plateau – à partir d’un outil maison. Nous aurions aimé utiliser un calculateur de référence comme Albert, mais nous n’avions pas les ressources pour le faire. Par la suite, nous avons compensé nos émissions par l’achat de crédits carbone.
Les tournages de contenu original de fiction ou de documentaire ont souvent des budgets limités ; on demande d’en faire plus avec moins… Est-il possible d’imaginer que les tournages « verts » se fassent d’abord en publicité, dans un contexte ou les marques ont des engagements ESG et veulent réduire leur empreinte carbone?
V. C. : Absolument. D’ailleurs, les tournages publicitaires se font sur de courtes durées, déploient beaucoup de moyens et sont très énergivores, alors que, paradoxalement, la conversation autour des plateaux verts en publicité n’est pas très avancée.
Notre ambition chez Koze Productions, c’est de rapidement mettre en place une politique de développement durable pour nos projets en publicité. C’est là que nous pouvons avoir un impact environnemental beaucoup plus rapide et plus grand. Dans la prochaine année, nos efforts iront à transposer ce que nous avons appris dans le cadre de notre projet de fiction pour appliquer de hauts standards écoresponsables dans des tournages publicitaires.
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