Quand les neurosciences se mettent au service des RH
12 août 2019
Complétant présentement un Ph. D. en neuropsychologie et ayant fait de la recherche en psychologie du travail, Sofia El Mouderrib s’est donné comme mission d’explorer comment les neurosciences pouvaient améliorer la performance en milieu de travail. Ce faisant, la cofondatrice de l’entreprise nev participe au développement d’un nouvel outil RH destiné à « complémenter » et « raffiner » les modèles prédictifs en place. Entrevue.
Qu’appelle-t-on les compétences neurocognitives ?
Sofia El Mouderrib : Les compétences neurocognitives sont des aptitudes intellectuelles qui reflètent comment le cerveau travaille. Il y en a de nombreuses : la flexibilité cognitive, la planification stratégique, la mémoire de travail, la tolérance risque, la capacité d’inhibition, la capacité de raisonnement, etc. Ce qui est intéressant de savoir, c’est que les compétences neurocognitives sont un excellent prédicteur de la performance au travail.
Dans ce cas, ces compétences doivent être très courues des recruteurs!
S. E. M. : Eh bien, pas vraiment. Et c’est un peu ça le paradoxe. En ce moment, quand on veut évaluer la candidature des travailleurs du savoir, on s’attarde surtout à des compétences humaines générales [comme la personnalité, le leadership ou l’esprit d’équipe] plutôt qu’à des compétences spécifiques au fonctionnement du cerveau comme la capacité de raisonnement ou la mémoire de travail.
Il y a donc tout un groupe d’aptitudes intellectuelles auxquels on ne s’intéresse pas, mais qui sont pourtant très utiles à l’économie du savoir.
Est-ce à dire que, à l’heure actuelle, les compétences neurocognitives ne sont pas du tout mesurées ?
S. E. M. : Elles sont mesurées, mais de manière indirecte et subjective. Aujourd’hui, la réalité est que la plupart des décisions de recrutement ne consistent qu’en des entrevues en face-à-face où le candidat peut impressionner ou pas le gestionnaire, des tests sous forme de questionnaire où la personne s’autoévalue ou alors, on se base sur les réalisations passées du candidat, en espérant que ça reflète les compétences que l’on recherche. Malheureusement, on passe alors à côté de ce dont cette personne est véritablement capable, de ses compétences neurocognitives.»
Quelle solution avez-vous développée avec votre équipe ?
S. E. M. : Chez nev, nous avons regardé ce qui se faisait en neurosciences, au niveau de la recherche, et nous avons développé des tests ou des épreuves inspirés des protocoles déjà existants pour mesurer des traits neurocognitifs.
Ces épreuves prennent la forme de stimuli. Le candidat regarde un écran où lui sont présentées des formes et des figures, et il est appelé à réagir. C’est en analysant sa réaction (à l’aide d’algorithmes qui prennent en compte, par exemple, le nombre de bonnes réponses ou le temps de réponse, selon les situations) aux stimuli que nous parvenons à établir le profil neurocognitif du candidat. Le candidat ne peut ni se préparer à ces épreuves, ni y tricher ou mentir.
Quelles sont les applications RH de ce genre de tests?
S. E. M. : Elles sont nombreuses! En recrutement, lorsqu’on combine cet outil avec les tests psychométriques déjà existant, ça ajoute une couche de validité et granularité aux résultats obtenus. Ensuite, on peut utiliser cet outil lors de l’élaboration de programme de développement des compétences, ou encore, dans la gestion du changement, car les tests neurocognitifs permettent de prédire les employés qui vont résister ou accueillir le changement.
On peut également imaginer une entreprise qui décide de répertorier les compétences neurocognitives de ses employés les plus performants, afin de recruter les bons profils d’employés pour son secteur d’activités. C’est un secteur émergeant, qui est vraiment très prometteur!
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