Ralentissement économique : quel impact pour le recrutement?
18 mars 2024
Le rattrapage post-pandémique semble bel et bien terminé. Sous le couvert d’un taux de chômage stable, nous assistons à des coupures de personnel dans plusieurs secteurs d’activité. Est-ce à dire que la pénurie de main-d’œuvre s’est résorbée? Est-il dorénavant plus facile de recruter ? Nous avons parlé à des chasseurs de têtes pour comprendre leur réalité sur le terrain.
En apparence, les statistiques de février peuvent donner l’impression que tout va bien, avec recul de 0,2% du taux de chômage et une progression de 36 100 nouveaux emplois dans les six derniers mois au Québec. Or, ce chiffre masque la stagnation du secteur privé (-16 400) contrebalancé par des gains dans le secteur public (+52 500) (Source : analyse de Desjardins).
Il y a beaucoup de coupures dans le domaine de la construction, dans le manufacturier, les services, en technologie de l’information et dans les médias, pour ne nommer que ceux-ci, annonce Magalie Derouin. Ça fait peur aux gens. On s’attend à une récession. Les analystes financiers ne sont pas très sécurisants au niveau des taux intérêts. Et donc, les gens sont plus réticents de bouger», constate la chasseuse de têtes.
Un sondage publié en février par Robert Half lui donne raison : globalement, l’intention de chercher un nouvel emploi a chuté de 49% à 36 % dans les six derniers mois aux Etats-Unis.
En regardant les chiffres de plus près, on constate un recul important même au sein de la nouvelle génération de « Z », qui a freiné ses ardeurs de 74% à 55%.
Impact sur le recrutement
Nicolas Demarthes, chasseur de têtes et directeur des opérations de Go Rh – section France, remarque lui aussi la frilosité des candidats sur le terrain.
On sent une crainte et moins d’engouement pour un changement d’emploi. Les candidats comme les entreprises sont dans l’expectative. Il est un peu plus difficile pour nous d’aller chercher des candidats et de les convaincre de changer d’emploi dans un contexte plus aléatoire. »
Le directeur de Go Rh note que les employeurs ont eux-mêmes le pied sur le frein, côté recrutement.
On a l’impression que les entreprises ont peu de visibilité sur 2024, elles sont donc dans l’attente avant de lancer de nouveaux projets ou de nouveaux recrutements. Avec les récentes vagues de mises à pied, il y a aussi plus de monde sur le marché de l’emploi. Les entreprises ont donc moins besoin des cabinets de recrutement pour les aider. C’est un début d’année vraiment très calme pour nous.»
Pourtant, il manque encore des talents. Et ce, dans tous les secteurs d’activités.
Le recrutement est toujours aussi difficile, sinon plus, fait valoir Magalie Derouin. Dans les dernières années, les employeurs devaient jouer un rôle de séduction face à des candidats qui négociaient tout : l’horaire, le salaire, les bonus. Or, depuis récemment, les employeurs sont un peu plus exigeants; ils veulent voir plus de candidats, parce qu’ils se rendent compte que la situation revient plus égale.»
Paradoxalement, les candidats ne semblent pas enregistrer le changement.
Je ne sens pas que les candidats sont moins exigeants dans leurs demandes. Ils vont s’engager dans un processus d’embauche, mais s’ils ont l’impression de changer quatre 25 sous pour un dollar, ils ne bougeront pas. Le défi de mon travail est de répondre aux besoins à la fois des employeurs et des candidats,» poursuit-elle.
Et que veulent les candidats, déjà?
Dans son champ de recrutement, Nicolas Demarthes croit que les professionnels demeurent ouverts à relever un nouveau défi, dans la mesure où on peut leur donner certaines garanties.
Si on peut assurer un poste dans une entreprise en croissance qui maintient son taux d’emploi, on a un argument fort à proposer aux candidats, » estime-t-il.
Pour Magalie Derouin, les conditions de travail prévalent de beaucoup sur le salaire pour convaincre un futur candidat d’accepter une nouvelle opportunité.
À titre d’exemple, le télétravail, les journées de congé, de vacances et le régime d’assurances. Bref, tout ce qui favorise la qualité de vie d’une personne. Je constate que les employeurs comprennent de plus en plus cette réalité.»
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