Sommet Marketing d’Influence : une pratique confrontée à des questions difficiles
2 octobre 2023
Le 20 septembre dernier a eu lieu la troisième édition des Rendez-vous de la création de contenu, transformée cette fois en « Sommet [sur le] Marketing d’Influence », après s’être concentré sur la plateforme TikTok en 2022 et en 2023 avec le «Sommet TikTok Québec». Les 200 professionnels de l’industrie qui ont assisté à l’événement en direct ou en virtuel se sont vus confrontés à une remise en question de cette occupation. Explications.
Il semble que chaque année apporte sa nouvelle série de questions sur la légitimité des « influenceurs » dans notre société. Et peut-être avons-nous franchi une des dernières étapes d’acceptation du rôle d’influenceur et de créateur de contenu en tant que métier, lorsqu’il a été mis au clair – à travers l’histoire de Sunwing et de Onlyfans – que ceux-ci devaient « payer leurs impôts » comme tous travailleurs autonomes.
Plutôt que de se défiler face aux questions difficiles, le Sommet sur Marketing d’Influence : Les rendez-vous de la création de contenu a choisi de placer l’éthique et la professionnalisation du métier au cœur de son événement.
Lors d’une première table ronde intitulée « Influence et société, le marketing éthique », Alexandre Champagne (cofondateur de Trois fois par jour et de la Fondation Le CIEL – Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne) a contesté l’idée même que les concepts de « marketing » et « d’éthique » pouvaient cohabiter.
J’ai un conflit interne avec la notion de marketing éthique. Pour moi, le marketing est déconnecté du réel. Le but est de rendre monétisable toute chose existante. Avec le temps, on s’est mis à marketer les gens. On est à l’apogée d’un mouvement où toute chose devient intéressante, si on est capable de le marketer comme il faut; et je ne trouve pas que c’est une direction intéressante. »
Alexandre Champagne a aussi porté un regard très dur (mais « sans jugement », a-t-il assuré…) sur l’occupation d’influenceur :
[Les influenceurs] doivent être impérativement névrosés pour se maintenir au sommet des médias sociaux. L’énergie que ça prend pour rester au sommet, valide et pertinent, je ne sais pas comment ils font. (…) On fait miroiter la possibilité aux gens de valider leur existence sur les réseaux sociaux. Et après cela, on leur fait faire des choses qui plaisent à un petit groupe d’actionnaires qui vont faire de l’argent. Quand on est dans ce système-là , c’est facile de faire des compromis sur ses valeurs. Même si une personne fait quelque de moins éthique, dans deux semaines, tout le monde va avoir oublié. »
Myriam Beaudry (balado « Tête-à -tête » avec la science), aussi présente à la table ronde, pense elle aussi que le design des plateformes constitue un obstacle à la défense de valeurs morales.
Quand on revient à la question de l’éthique, c’est une réflexion sur les choix qu’on fait. Or, de par leur fonctionnement, ces plateformes font tout pour ne pas qu’on ait un pas de recul et qu’on réfléchisse à savoir si c’est de la consommation rapide. Faut réagir vite, faut liker, publier une prochaine story, tac, tac, tac, il faut se battre contre le fonctionnement de ces plateformes pour prendre des décisions éthiques. »
Prendre ce qui fait notre affaire
La réflexion sur l’éthique et la professionnalisation du métier d’influenceur s’est poursuivi lors de la table ronde «L’envers du décor du métier d’influenceur», où l’on a par ailleurs appris que la France s’apprêtait à passer une loi pour encadrer le métier d’influenceur et bannir certaines pratiques.
Tout le monde, dans cette industrie-là , est en processus d’apprentissage, a constaté Aicha Tohry, fondatrice d’ARTY AVOCAT | LAW, avocate spécialisée dans les industries créatives. Pour certaines personnes, l’apprentissage n’est pas désiré. On prend ce qui fait notre affaire et il y a beaucoup d’aveuglement volontaire. »
Le cadre législatif en matière de marketing existe depuis longtemps, fait remarquer Aicha Tohry.
Il s’applique peu importe comment tu fais ta pub ou ton marketing, et ce n’est pas différent pour les influenceurs. Mais j’ai l’impression qu’on préfère ignorer certaines choses quand on fait affaire avec des influenceurs, mais… les règles sont les mêmes. Quand on envoie des produits à un influenceur, c’est une forme de rémunération… », illustre-t-elle.
Bien sûr, la journée a largement abordé le volet «concret» de la pratique, avec des tables rondes portant sur l’utilisation du marketing d’influence pour la promotion de cause sociale, sur la « résurgence » des campagnes de nano-influence et sur les meilleures pratiques pour mesurer la performance d’une campagne d’influence.
De toute évidence, les marketeurs qui ont assisté à l’événement auront trouvé matière à mieux comprendre comment intégrer le marketing d’influence dans leur arsenal. Saluons tout de même l’ouverture des organisateurs (Marie-France Gosselin et Alexandre Turcotte en association avec Jay Grandmont) à prendre «de front» les grandes questions que posent cette occupation. À une prochaine édition!
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