Spotify peut-il devenir le Netflix du balado?
22 février 2019
Netflix était une simple plateforme de distribution de films et de séries avant de s’imposer comme un des producteurs de contenu original les plus imposants à l’échelle mondiale, avec des investissements projetés de plus de 13 milliards en 2018. Spotify peut-il accomplir le même exploit dans le secteur du balado et de la production audio ? Analyse.
La rumeur courrait depuis une semaine déjà  : Gimlet Media, la petite boîte de production de podcast d’Alex Blumberg, allait être rachetée par le géant Spotify. Une rumeur qui surprendra les partisans de la première heure, qui ont assisté à la naissance en « direct » de Gimlet Media, à travers les épisodes de la série Start Up, où l’ancien collaborateur de This American Life racontait les hauts et les bas d’une aventure entrepreneuriale, qu’il voyait déboucher sur un empire de production de podcast (voir épisode 1 ici).
L’empire a un nouveau nom : Spotify. Le service suédois de musique sur demande vient d’acheter deux importants joueurs indépendants de la planète podcast : Gimlet Media et Anchor, pour la rondelette somme de 337 millions de dollars.
Alex Blumberg a expliqué au site Recode la vente de Gimlet Media, quelques heures seulement après la signature :
Nous sommes à l’aube d’un second âge d’or en audio. Il y a une explosion et une effervescence dans la manière de raconter des histoires, avec ce nouveau genre de programmation qui a rendu possible l’audio sur demande. Et ça croît plutôt rapidement, partout dans le monde. »Â
J’ai eu le sentiment que si on prenait ces deux choses ensemble : [Spotify] avec la distribution, les données, et [Gimlet Media] avec notre expertise en storytelling, nous allions accomplir beaucoup plus de choses ensemble que chacun le ferait séparément. »
Spotify a déjà de grandes ambitions à elle seule. Elle a annoncé à ses investisseurs qu’elle comptait investir dans le secteur de la balado de 400 à 500 millions de dollars en 2019, ce montant incluant l’entente de Gimlet Media et Anchor.
Nous regardons à une large variété d’opportunité, a déclaré Dawn Ostroff, de Spotify, à Variety. Le secteur [du podcast] est encore tellement naissant. Une grande partie de nos actions vise à nous positionner stratégiquement dans ce secteur, afin d’en devenir les leaders. »
La compétition s’annonce rude
D’une part, Spotify devra prouver qu’elle peut mieux faire que dans son aventure télévisuelle raté; elle qui a abandonné en 2017 la production des 12 émissions annoncées en 2016.
D’autre part, il faut savoir que toutes les grandes plateformes de musique sur demande ont l’œil sur ce type de contenu. Spotify, Google Musique et iTunes ont désormais leurs onglets dédiés au balado, bien qu’aucune ne domine complètement ce marché.
Un des freins à la pleine explosion du secteur est la difficulté de monétiser les balados. C’est ce que Matt Lieber, cofondateur de Gimlet Media, a expliqué à Recode :
La taille actuelle de l’industrie est encore très petite. Ça représente une industrie d’environ un milliard et demie de dollars cette année. Il y a un énorme décalage entre le nombre de personnes qui écoutent des podcasts, le nombre de shows qui sont produits et le montant d’argent qui y est investi. On a besoin d’amener la diffusion à une plus grande échelle, d’améliorer la découvrabilité et on doit avoir une meilleure monétisation. »
Pour Gimlet Media, c’est Spotify qui est dans la meilleure posture pour relever ce triple défi.
Quand les vieux modèles s’invitent dans le Nouveau Monde
Le nouveau positionnement de Spotify, en tant que producteur de contenu audio, ressemble beaucoup à celui de Netflix, qui assume désormais pleinement son rôle de producteur de contenu audiovisuel original, en y consacrant toujours plus d’argent chaque année.
Plus largement, on peut se demander si les grandes plateformes numériques ne sont pas en train de reproduire les anciens modèles de l’époque de la télé câblé. Ils cherchent à tâtons un équilibre entre la distribution de contenu et la production maison, à l’intérieur d’un modèle d’affaires est de plus en plus intégré verticalement. Amazon Video et Facebook Watch produisent désormais leurs propres émissions de télé. Et parions que d’autres tenteront l’aventure !
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