Vous êtes surchargé au boulot… mais êtes-vous performant ?
Par François Nadeau
3 avril 2023
Vous avez l’impression que chacune de vos journées de travail se déroule comme une course effrénée où vous avez à peine le temps de reprendre votre souffle ? Vous devez interrompre chacune de vos réunions seulement pour passer à une autre, et votre boite courriel se remplit plus rapidement qu’elle ne se vide ? Certes, vous êtes occupé, mais à quel point êtes-vous performant ?
Dans un article publié récemment dans le Harvard Business Review, le psychologue et professeur à la Kellogg School of Management, Adam Waytz, avance que les travailleurs manquent de plus en plus de temps. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène, l’une d’entre elle étant une culture d’entreprise qui valorise bien souvent le fait d’être très occupé.
En effet, il semble y avoir, dans les organisations et même dans la société nord-américaine en général, un certain culte autour du fait d’être très occupé au travail. Plusieurs articles ont d’ailleurs été écrits à ce sujet dans les dernières années à propos du « cult of busyness ».
Deux problèmes découlent de ce phénomène selon Adam Waytz. La premier est qu’il a été démontré qu’une entreprise qui surcharge ses employés et les récompense sur la base de leur lot de travail génère des conséquences néfastes sur la santé mentale et physique de ceux-ci.
Le deuxième est qu’il est très difficile de renverser cette culture. D’abord, autant les entreprises, que les employés valorisent davantage un travail qui semble requérir un haut niveau d’effort. Même les clients sont susceptibles d’accorder plus de valeur à un travail dont ils peuvent estimer l’effort. Dans le cadre d’une expérimentation menée par le professeur Ryan W. Buell, les clients d’une cafétéria étaient davantage satisfaits lorsque leur sandwich était fabriqué en face d’eux par rapport à un sandwich déjà préparé.
La difficulté à renverser cette tendance peut aussi s’expliquer par l’aversion à l’inactivité (idleness aversion), un principe selon lequel les gens sont davantage heureux lorsqu’ils sont occupés. Par conséquent, dans un contexte de travail, plusieurs personnes vont chercher à remplir les quelques périodes de vide dont ils bénéficient dans une journée (périodes pouvant s’avérer très productives, notamment pour du travail créatif) par quelque tâche que ce soit.
Comment renverser la tendance ?
Même si cela peut s’avérer difficile, il est possible de renverser la tendance dans une organisation qui accorde trop de mérite au fait d’être occupé. Annie Boilard est présidente du Réseau Annie RH, conférencière et formatrice en leadership, gestion et communication. Elle aussi constate la valeur qu’on accorde à un niveau d’occupation élevé au travail et les conséquences néfastes que cela peut engendrer. Nous lui avons demandé comment il était possible de renverser cette tendance.
Elle nous mentionne d’abord qu’il est important de valoriser et évaluer ses employés sur la finalité de leur travail, et de se détacher du « comment » celui-ci est réalisé.
Elle conseille également de prêter attention au vocabulaire qu’on utilise avec ses collègues.
Personnellement, je ne dis jamais que j’étais trop occupé pour faire quelque chose, mentionne Annie Boilard. Je vais plutôt dire que je n’ai pas pris le temps de le faire ou que ce n’était pas une priorité. »
La formatrice et conférencière met aussi en garde contre la surqualité :
Parfois, on en fait trop. On consacre du temps à réaliser des tâches qui n’ont même pas été demandées par le client, simplement parce que, de notre point de vue, on trouve que c’est mieux ainsi ».
Pour renverser cette culture de l’occupation, Adam Waytz suggère quant à lui de mener des audits afin de séparer les tâches à valeur ajoutée de celles qui sont simplement prenantes en termes de temps. Il suggère aussi de limiter le multitâches. À maintes reprises, il a été démontré qu’effectuer plusieurs tâches en même temps nuisait à la productivité.
Il n’est donc pas simple de s’attaquer à une culture qui valorise trop le fait d’être occupé. Y consacrer des efforts peut toutefois avoir un effet significatif sur le moral et la santé des employés ainsi que sur la performance d’une organisation. Comme le rappelle Annie Boilard, on ne peut être pleinement efficace si on est constamment surchargé et dans l’urgence.
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