L’encyclopédie en ligne Wikipédia expliquée par son fondateur Jimmy Wales

La Chambre du commerce du Montréal métropolitain accueillait, le 11 avril 2016, Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia et entrepreneur social par excellence. 

Il paraît qu’il faudrait 21 ans pour lire les pages Wikipédia rédigées uniquement en anglais. Depuis sa création voilà 15 ans, l’encyclopédie en ligne a cumulé 40 millions d’articles, écrits en 288 langues.

Et en 15 ans, le postulat de base du site – le 3e le plus consulté au monde (selon les données de comScore, 40 millions de visiteurs uniques par mois) – n’a pas changé d’un iota: rendre le savoir accessible au monde entier, de façon libre et gratuite.

«Free access»: pendant son allocution, Jimmy Wales a insisté sur le mot «free», qui va au-delà de la seule notion de coût. Wikipédia est un logiciel que tout le monde doit pouvoir copier, reproduire, modifier, réutiliser à sa guise, sans avoir à demander la permission.

Selon la langue, nous sommes parfois la seule source d’informations: c’est parce que nous laissons les gens collaborer à la plateforme et écrire des articles», indique M. Wales.

Qui sont les contributeurs de Wikipédia?

La communauté serait composée à 87% d’hommes, en moyenne âgés de 26 ans, titulaire d’un PhD. De l’aveu même de son fondateur, l’encyclopédie est donc pas mal alimentée par des «geeks», qui écrivent, en toute logique, sur leurs centres d’intérêt.

Notre objectif est d’apporter davantage encore de variété dans les sujets de nos articles, et pour cela, il faut apporter de la diversité dans notre communauté. Nous voulons que plus de femmes, ainsi que des internautes plus âgés, contribuent au site. Nous investissons beaucoup pour rendre notre interface d’édition plus agréable et attractive», précise Jimmy Wales.

Si la communauté des «wikipedians» compte pas moins de 80 000 volontaires, la vraie communauté de Wikipédia est constituée de 3 à 5000 personnes qui font en sorte que le site fonctionne correctement, qu’il n’y ait pas de débordements et que l’information fournie soit pertinente.

Les principes de base

Depuis sa création, Wikipédia – qui est, rappelons-le, un organisme à but non lucratif, qui ne publie aucune publicité sur ses pages et ne commercialise pas les données dont il dispose – a conservé ses principes de base, à savoir:

• c’est une encyclopédie

• elle ne prend pas position: «nous faisons état des faits, le lecteur peut se faire sa propre opinion par la suite»

• son contenu doit être partageable, donc exempt de license

• la civilité et la courtoisie sont obligatoires: «Wikipédia, c’est une communauté de gens foncièrement gentils et bons»

• IAR, «Ignore All Rules»

De nombreux satellites

Parallèlement à Wikipédia, Jimmy Wales, homme d’affaires prolifique et entrepreneur dédié au social, a lancé différents programmes, tels que:

• la Fondation Wikimédia, un organisme à but non lucratif qui héberge l’ensemble des projets en ligne développés par le logiciel MédiaWiki

• Wikia, un site communautaire calqué sur Wikipédia, dédié aux fans de séries, de films, de jeux vidéos, de BD, etc. et dont le volume de contenu dépasse déjà celui de son modèle

• ou encore Wikipédia Zéro, un programme visant à fournir, dans certaines écoles, un accès libre et gratuit à l’encyclopédie, c’est à dire sans avoir à payer pour de la donnée

(Cette liste est, bien sûr, non exhaustive)

Les questions d’éducation sont au coeur des préoccupations de M. Wales. Avec ses projets, il souhaite permettre aux élèves du monde entier de nourrir leur curiosité, d’approfondir ce qu’ils apprennent à l’école, d’aller plus loin dans leurs connaissances.

Protection des données

Comme tous les sites communautaires, Wikipédia s’intéresse aux questions de vie privée et de protection des données personnelles. Interrogé sur le récent bras de fer qui a opposé Apple au FBI, Jimmy Wales déclare:

J’ai trouvé cette affaire passionnante, et je félicite Apple de ne pas avoir cédé. Selon moi, pour des questions aussi cruciales que la protection de la vie privée, la décision doit revenir à un tribunal, à la justice. Depuis toujours, on a ce souci de préserver nos données personnelles. Les nouvelles technologies nous font juste appréhender la chose sous un nouvel angle».

Quant aux informations du type de celles dévoilées dans le cadre des «Panama Papers», M. Wales indique que Wikipédia n’est pas le lieu pour divulguer ce genre de nouvelles – à l’origine. Cependant, il est logique que l’encyclopédie contienne un article sur le scandale, maintenant qu’il a été révélé par des journaux crédibles et sérieux.

Par ailleurs, depuis peu, Wikipédia est crypté: le «https» de son adresse url l’indique désormais. Ainsi que l’explique M. Wales, s’adresser à son site, aujourd’hui, est aussi confidentiel que de s’adresser à son banquier.

Optimiste «pathologique» et homme de valeurs visionnaire, Jimmy Wales se réjouit de nouvelles perspectives qu’offre le Web. Selon lui, la puissance du bouche-à-oreille supplantera bientôt les budgets marketing des entreprises.

Et tout ce qui ne sera pas dépensé en publicité pourra être utilisé à des fins charitables. Je crois que bientôt, le marketing sera remplacé par des histoires: c’est ce que les gens veulent».

Photo: Twitter Jeune Chambre de commerce de Montréal.