Comment déceler les biais cognitifs inconscients qui nous font prendre de mauvaises décisions ? Reviewed by Philippe Jean Poirier on . 5 mars 2019 Dans son dernier livre sur les biais cognitifs, intitulé Vous allez commettre une terrible erreur !, l’auteur Olivier Sibony défend l’idée que nous 5 mars 2019 Dans son dernier livre sur les biais cognitifs, intitulé Vous allez commettre une terrible erreur !, l’auteur Olivier Sibony défend l’idée que nous Rating: 0

Comment déceler les biais cognitifs inconscients qui nous font prendre de mauvaises décisions ?

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5 mars 2019

Dans son dernier livre sur les biais cognitifs, intitulé Vous allez commettre une terrible erreur !, l’auteur Olivier Sibony défend l’idée que nous sommes tous plus ou moins condamnés à prendre de mauvaises décisions, en raison de biais « inconscients ». Explications.

Certaines erreurs stratégiques sont plus spectaculaires que d’autres. En 2011, le détaillant JC Penney embauche un ancien dirigeant d’Apple et de Target pour relancer sa marque. Ron Johnson arrive chez JC Penney avec une intention toute simple : appliquer de A à Z la recette qui a fait le succès d’Apple. Mais voilà : JC Penney est un détaillant de vêtements et d’accessoires de maison axé sur les bas prix.

Ron Johnson met la hache dans les bas prix, demande que l’on rehausse la qualité des collections, mise sur les ventes en ligne et le service en magasin. Les résultats sont… catastrophiques ! L’ancien dirigeant d’Apple fait fuir l’ancienne clientèle de JC Penney sans parvenir à convaincre une clientèle « de luxe » d’adopter la marque. Ron Johnson est licencié après 17 mois d’intense repositionnement.

Les pièges des biais cognitifs

Si personne n’a remis en doute une décision qui menait au désastre, c’est en raison de notre tendance naturelle à nous laisser envouter par de belles histoires, dit Olivier Sibony. Le professeur à HEC Paris et ex-associé senior du cabinet McKinsey appelle ce mauvais plis « le piège du storytelling ».

Sans que les [dirigeants] n’en aient jamais conscience, le storytelling et la force de la narration, les conduit en fait à confirmer l’histoire sur laquelle ils croient porter un regard critique. »

Le biais cognitif sous-jacent est celui de la confirmation. Face à une bonne histoire, notre esprit tend à chercher les indices qui confirment cette histoire plutôt que de l’analyser froidement. Olivier Sibony cite Nassim Taleb, l’auteur du Cygne noir, pour compléter son explication :

Nos esprits sont de merveilleuses machines à expliquer, capables de trouver du sens à presque tout, d’expliquer toutes sortes de phénomènes. Ni Bertelle, face à quelques indices épars, ni vous, une fois que ces indices sont entre vos mains, ne supposez, ne supportez, que ces indices puissent ne rien indiquer du tout. L’idée qu’ils ne soient en réalité pas les éléments d’une histoire d’ensemble, mais de simples coïncidences, ne nous vient jamais spontanément. »

En d’autres mots, la direction de JC Penney a tellement voulu croire qu’elle pouvait « cloner » le succès d’Apple pour relancer sa marque qu’elle a donné carte blanche à Ron Johnson en ignorant tous les signaux rouges qui ont pu apparaître en cours de route.

Des leaders de bonne volonté

La pierre n’est pas pour autant à lancer aux dirigeants, précise Olivier Sibony. L’auteur souligne dès l’introduction de son livre que les « mauvaises décisions » ne sont pas le fait exclusif des « mauvais gestionnaires » :

Une étude réalisée auprès de plus de 2 000 cadres a montré que seuls 28 % d’entre eux pensent que leur entreprise prend « en général » de bonnes décisions stratégiques. Une majorité (60 %) estime que les mauvaises décisions sont à peu près aussi fréquentes que les bonnes. »

Plus inquiétant encore, Olivier Sibony soutient que certains types de décision sont à ce point corrompus par des biais inconscients qu’elles deviennent systématiquement mauvaises :

Les entreprises se trompent toujours de la même manière, dit Olivier Sibony. Elles retombent sans cesse dans les mêmes pièges. Dès lors, il est étrange de chercher à expliquer chaque échec par les caractéristiques personnelles d’un individu à chaque fois différent. Mille erreurs différentes pourraient avoir mille causes ; mais mille erreurs identiques appellent une même explication. »

Cette explication réside dans les biais cognitifs. Le biais de confirmation, dont nous parlions à l’instant, fait partie des 9 biais abordés dans le livre d’Olivier Sibony. Mais au total, ils sont beaucoup plus nombreux. En voici un petit aperçu.

Quand les biais inconscients brouillent notre capacité d’analyse

Le concept de « biais cognitif » a été théorisé dans les années 70 par les psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky, qui cherchaient à expliquer notre tendance apparente à prendre de mauvaises décisions économiques ou financières.

Le site Psychomédia en recense plus de 25, dont :

 

  • Le biais de confirmation, qui est la tendance à ne retenir que les éléments qui prouvent notre thèse de départ.

 

  • Le biais d’autocomplaisance, qui est notre tendance à s’attribuer les mérites d’un succès tout en faisant porter le fardeau d’un échec sur les autres.

 

 

  • L’aversion de la dépossession, qui est la tendance à accorder plus de valeur à nos possessions qu’à celles des autres, même lorsque celles-ci sont objectivement identiques.

 

  • Le biais de cadrage, qui est notre tendance à mesurer les chances de succès d’une entreprise en fonction de la manière dont elle nous est présentée. (Psychomédia illustre ce biais ainsi: un patient qui doit décider s’il se fait opérer ne prendra pas la même décision si le chirurgien lui présente le taux de succès ou le taux d’échec…)

La liste continue. Et elle donne le vertige.

L’intelligence collective à la rescousse des leaders

Faut-il en conclure que nous sommes condamnés à prendre de mauvaises décisions, ad vitam æternam? Olivier Sibony semble dire que oui :

Un biais est, par définition, un phénomène dont nous n’avons pas conscience. Nous ne pouvons pas décider, par nous-mêmes, de le corriger. Nous sommes donc bel et bien condamnés à reproduire indéfiniment les erreurs auxquelles nos biais nous conduisent. »

Or, le professeur à HEC Paris voit tout de même une issue à cette impasse :

Si nous sommes […] à la merci de nos biais, nous pouvons voir et corriger ceux d’autrui. Inversement, nos prochains, nos amis, nos collègues, sont conscients de nos biais. Pour prendre de meilleures décisions, nous devons nous appuyer sur eux, trouver une méthode pour exploiter la force du collectif. »

C’est donc dire qu’il y a de l’espoir !

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