Comment la connaissance des biais cognitifs et de la gestion agile peuvent changer la vie des gestionnaires?
Par Kévin Deniau
23 janvier 2024
L’apprentissage des biais cognitifs et la gestion de projet agile se développent rapidement dans les entreprises. Benoit de Grâce, vice-président de PMC (Project Management center), a ainsi développé un atelier formation qui mêle ces deux sujets intimement liés, intitulé Gestion de projet avec la méthode Kanban et Maitriser les biais cognitifs afin de mieux décider. Entrevue.
Bonjour Benoît. Quels sont les liens selon vous entre l’agilité et les biais cognitifs ?
Benoit de Grâce : Ce sont en effet deux thématiques différentes mais qui comportent un lien. L’agilité est une méthode de plus en plus populaire pour gérer des projets, comme un programme de recrutement par exemple. Elle est relativement simple à utiliser mais elle fait souvent plus appel à l’intuition qu’un processus cartésien rigide d’une gestion de projet classique.
Et qui dit intuition dit forcément prise de décision avec une partie de subjectivité. Ce qui renvoie naturellement et assez rapidement aux biais cognitifs. À savoir les éléments qui vont influencer consciemment ou non nos jugements. D’où l’importance de bien traiter ces deux sujets en parallèle afin de pouvoir détecter ces biais avant qu’il ne soit trop tard.
Quelles sont les réactions habituelles des personnes à qui vous parlez de biais cognitifs ?
B.d.G. : Il y en a trois habituellement :
- Ceux qui connaissent déjà les biais cognitifs, par des lectures par exemple, et qui vont essayer de faire plus attention à l’avenir.
- Ceux qui n’en avaient jamais entendu parler auparavant et qui vont éprouver de l’intérêt
- Et enfin les sceptiques, qui considèrent qu’ils ne se font pas influencer… ce qui est en soi révélateur d’un biais de confirmation ! (la tendance naturelle à privilégier les informations qui confortent leurs préjugés)
Les biais cognitifs sont-ils justement bien connus dans le monde de la gestion selon vous ?
B.d.G. : Ce sont en effet des notions qu’on a plus l’habitude de voir en parlant d’EDI (équité, diversité, inclusion) ou de marketing, par exemple dans le cadre de campagnes publicitaires pour encourager les gens à moins fumer. Cela reste relativement nouveau pour le monde de la gestion.
Mais cela est en train de changer avec, notamment aux Etats-Unis, des recherches qui s’intéresse à la gestion de projet comportementale et au fonctionnement du cerveau. Je dirais que c’est comme l’agilité au début des années 2000, cela va prendre une dizaine d’années pour devenir dominant.
Pourquoi est-ce que cela va prendre autant d’ampleur selon vous à l’avenir ?
B.d.G. : D’une part, comment ne pas évoquer l’intelligence artificielle. J’ai l’impression que cet aspect du fonctionnement du cerveau va devenir distinctif de l’IA à l’avenir. Ce sont encore des humains, avec leur intelligence émotionnelle, qui font des projets, et non pas des IA.
Par ailleurs, dans un monde où tout va plus vite et où tout est plus complexe, l’intuition devient de plus en plus importante. Ce qui peut donner lieu à plus d’erreurs d’appréciations et de jugements si l’on se fait duper par des biais cognitifs.
Avez-vous des exemples de biais courants ?
B.d.G. : Je pense au biais d’ancrage qui se produit fréquemment. C’est-à -dire le fait de se faire influencer par la première information que nous recevons. Par exemple une date de rendu pour un projet ou un budget. On se dit qu’on pourra faire fluctuer cette information seulement à la marge une fois qu’elle a été annoncée la première fois.
Il y a aussi l’effet d’aura ou de halo. La faculté d’une personne à influencer positivement les autres grâce à l’une de ses caractéristiques positives. Ou l’effet Ikea : le fait d’accorder plus d’importance à quelque chose que l’on a fait soi-même. Je parlerai également de l’aversion à la perte : on craint plus la perte que l’on apprécie un gain.
Pour revenir sur le sujet de l’agilité, comment les gestionnaires peuvent-ils s’en servir ?
B.d.G. : La gestion agile est efficace pour les gens qui mènent des projets dans lesquels le résultat n’est pas connu d’avance. Où l’on apprend des enseignements au fur et à mesure. Quand on parle de monter un programme de formation ou de santé – sécurité, de faire une réorganisation d’entreprise, de créer un département RH… ce que l’on veut au début n’est pas toujours clair.
On connaît les étapes pour construire une maison. Mais dans un projet dont on ne connaît pas la recette d’avance, il n’existe pas une seule bonne façon de faire les choses. On va s’en rendre compte au fur et à mesure. Ceci afin d’éviter de passer plus de temps à planifier qu’à réaliser. Il est ici question d’amélioration continue et je précise que ce sujet n’est pas utile qu’à un auditoire TI. Au contraire, on s’adresse à des personnes en finance, en marketing, en RH etc.
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