Faut-il donner les vraies raisons quand on démissionne ?
11 mars 2022
Annoncer à un patron que l’on démissionne est une opération toujours un peu délicate. Lorsque la décision est motivée par la mauvaise gestion du dit patron ou plus largement un milieu de travail toxique, le dilemme se pose à savoir s’il faut donner les « vraies raisons » de son départ.
Dans un article récent, nous rapportions le conseil de la directrice en acquisition de talent Caroline Boyce aux démissionnaires : « Soyez authentique dans vos raisons de départ ». À la lecture de ce conseil, nous nous sommes demandés combien de personnes se donnaient la peine de « donner les vraies raisons » plutôt que de donner une « raison safe ».
Pour en avoir le cœur net, nous avons lancé un petit sondage éclair sur LinkedIn sur le sujet, ayant cumulé 71 votes. La réponse a été sans équivoque; les participants au sondage avaient un goût de transparence.
Parmi ceux qui prônent la transparence, le consultant en psychologie organisationnelle Francis Painchaud, dont nous avons récemment parlé de la chaîne YouTube, a pris le temps d’expliquer sa position.
En donnant la vraie raison, tu donnes à l’employeur une chance de prendre connaissance de quelque chose, d’avoir accès à de l’information que personne ne donne, car beaucoup trop de gens donnent des raisons safe. Sortir de sa zone de confort permet d’aider les autres à se dépasser, ça passe aussi par dire la vérité… même si c’est dur! »
Toutefois, le consultant insiste sur la manière de livre un message qui se veut une critique de l’entreprise.
L’idée n’est pas de dire à un patron « ses quatre vérités », sur un ton vengeur. Je parle d’exprimer sincèrement son expérience. Humblement, sans attaque ni reproche. Simplement mentionner avec honnêteté les raisons qui nous amènent à partir. Je suis convaincu que lorsque le feed-back est fait avec une intention sincère d’aider à l’amélioration du milieu, il peut être bien reçu. Après, si l’employeur n’est pas réceptif, c’est lui qui se prive d’informations essentielles à l’amélioration de son organisation. »
Avant de livrer les vraies raisons d’un départ, Éric Lépine, lui, propose de faire le calcul suivant :
Cela dépend énormément de votre équipe de gestion, de leur acceptation de la critique et de votre besoin de recommandation de leur part dans le futur… Donner les vraies raisons est préférable, mais pas au prix que ça nuise à notre carrière. Aussi, faire une scène à la TikTok est évidemment irrespectueux. »
Sceptique face à une telle unanimité
Parmi ceux qui ont répondu donner une « raison safe », Véronique Patry n’est pas convaincue que l’élan de sincérité du sondage tienne dans la vie réelle, au moment crucial de démissionner
J’ai beaucoup de difficultés à croire que la majorité des individus donnent la vraie raison. Dire ce que l’on a obtenu de plus ou de mieux dans le nouvel emploi, d’accord. Mais exprimer librement leurs idées sur l’emploi ou l’entreprise qu’ils laissent… J’en doute. Dénoncer un milieu toxique, une mauvaise gestion ou une surcharge de travail… Vraiment? Après tout, ils auront besoin de références futures. »
Véronique Patry raconte avoir déjà tenté d’expliquer à un employeur que son taux de roulement élevé et sa difficulté de recruter étaient dus à un style de gestion déficient.
On m’a répondu que je manquais de tact et de professionnalisme… alors que je ne faisais que rapporter ce que tous les employés disaient en l’absence des boss! »
De toute évidence, certains gestionnaires ont une capacité d’introspection limitée. C’est pourquoi il est sans doute sage de mesurer l’ouverture de l’équipe de gestion – comme le suggère Éric Lépine – avant de livrer le fond de sa pensée!
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RH