Faut-il mettre des émojis dans son CV ? Les recruteurs québécois sont partagés

Un exemple de tweet reçu par L’Oreal – source

6 février 2020

Au mois d’août dernier, un article du Wall Street Journal rapportait que des recruteurs recevaient désormais des CV avec des marges agrémentées d’émoticônes ou un avatar Bitmoji comme photo de profil. Nous avons demandé à des recruteurs et des employeurs potentiels ce qu’ils pensaient d’une telle pratique. Nous avons découvert que la question suscitait des avis partagés.

Excluons d’emblée les secteurs d’activités pour lesquels utiliser des émoticônes dans le CV serait juste trop décalé. Les secteurs de la comptabilité, du Droit et de l’ingénierie sont probablement trop conservateurs pour accepter un tel écart par rapport à la norme de ce qui est attendu d’un candidat qui postule pour un emploi.

Mais qu’en est-il des emplois de créatif publicitaire ou de gestionnaire de communauté, où la créativité est certainement une compétence à posséder? Même là, on se rend compte que les émoticônes sont reçues froidement:

J’ai déjà eu une candidate en gestion de communauté qui a utilisé les émojis dans un graphique démontrant sa répartition de tâches typique dans une journée, raconte Rachelle Houde Simard, directrice de la planification stratégique chez Tam-Tam\TBWA. Dans ce contexte, j’avais trouvé ça intéressant. Sinon, gardez les émojis pour vos textos et publications.”

Geneviève Roberge, coordonnatrice marketing chez Chocolat Lamontagne, abonde dans le même sens:

C’est le seul exemple (ci-haut) qui me semble pertinent et intéressant. Je serais portée à rejeter un CV avec des émojis. De plus, j’ai eu un traumatisme avec les BitStripes, il y a quelques années. Ils ont été utilisés à outrance et de façon très banale et plate pour raconter des histoires sans punch, qui fait que j’apprécie fort peu les avatars émojis. Désolé.”

Lyne Camden, qui est designer graphiste et consultante en communication chez Camden Graphisme, partage ces réticences:

Pour ma part, l’avatar me semble un mauvais move. C’est un peu comme une façade derrière laquelle une personnalité se dissimule. Un portrait traité artistiquement est plus distinctif qu’un avatar qui est devenu, aujourd’hui, un peu commun. Je ne pense pas que cela ajoute au CV, et si je recevais un CV incluant un avatar, ça ne m’apparaît pas favorable… Toutefois, si le contenu est bien rédigé et l’expérience bien démontrée, je peux passer outre.”

Mettre un peu de piment

Daniella Johnson-Meneghini, qui a été tour à tour recruteuse et gestionnaire de communauté, trouve que l’on donne bien peu de marge de manœuvre aux candidats pour se démarquer.

Eh là, là… soupire-t-elle. C’est tellement difficile se démarquer du lot avec un CV punché. J’ai tellement souvent entendu des employeurs dire qu’ils trouvent ça plate les CV qui se ressemblent, qu’ils ne se rendent pas à la page 2, que l’exercice est fastidieux parce que la personne « sur papier » et la personne en vrai n’est pas la même… Mais quand vient le temps d’innover et tenter des petites affaires hors du commun – comme une photo, une disposition funky, des émojis, des graphiques, etc.), on est hyper réfractaires!”

Marie Lecourt, recruteuse pour l’agence de marketing O2 Web, fait justement partie de celles qui s’ennuient en lisant des CV trop convenus. Sauf qu’elle est conséquente et apprécie quand ça se pimente :

Je confirme qu’en recevant près de 30 CV par semaine, je me lasse VRAIMENT VITE. J’aime ça quand les développeurs animent des trucs. Quand les designers poussent la note. Quand les gens en stratégie me surprennent avec des trucs super punchés. Coupable.”

Joannie Fredette, chef de contenu chez LG2, voit elle aussi l’initiative d’un bon oeil, dépendant du contexte:

Personnellement, si je reçois un CV pour un poste de créatrice de contenu ou de gestionnaire de communauté et qu’il y a des émojis ou un avatar, je trouve que ça peut démontrer une bonne maîtrise des codes Web. Bien sûr, il faut que ce soit fait avec bon goût et équilibre. Si ça maquille un manque de compétences, j’écarte. Le contenu est plus important que le contenant.”

Cette ouverture tient au fait que les gestionnaires de communauté qu’elle recherche doivent pouvoir s’adresser aux jeunes:

On cherche souvent des gestionnaires de communauté pour des marques qui visent à parler à des jeunes de 18-24 ans. Des marques créatives qui parlent couramment le langage Web. Bref, ça me prend des gestionnaires de communauté qui ne répondent pas de façon trop convenue.”

Un gestionnaire de communauté qui saura compétitionner ceux d’Hydro-Québec, Valentine et Maxi, sur le terrain de la coolitude et de l’humour un peu décalé.

Pas de Bitmojis, mais des avatars personnalisés

Pendant la recherche entourant l’article, nous avons déniché deux professionnelles audacieuses qui nous avoués avoir utilisé un avatar comme photo de profil dans leur CV.

J’ai envoyé mon avatar créé de toute pièce sur mon curriculum vitae, confirme Anne-Marie Fréchette, responsable marketing Web chez WebCie. La plupart des employeurs ont salué mon audace.”

Elle nous a partagé ladite image… qui est très cool !

Courtoisie : Anne-Marie Fréchette

Kelly De Luca, superviseure de la marque chez Bain magique, s’est elle aussi prêté au jeu, il y a quelques années:

Jusqu’à l’année passée, j’ai eu une illustration sur mon CV. C’était en quelque sorte ma marque personnelle, et c’était rattaché à mon portfolio et mon site. Récemment, je l’ai enlevé pour épurer mon CV. En tant que designer, je n’oserais jamais mettre un émoji ou un Bitmoji qui est quelque chose d’universel. Ça dépend de l’exécution, bien sûr. Mais c’est rare que ce soit utilisé intelligemment. Mon opinion.”

Voici l’avatar en question :