La semaine de 4 jours : possible au Québec?
3 mars 2020
L’idée d’une semaine de 4 jours fait son chemin à travers le monde, sous différentes variantes : semaine réduite ou comprimée. Que penser de son application dans un contexte nord-américain, voire québécois ? Nous avons posé la question à des professionnels RH.
Dans les dernières années, chaque fois qu’une entreprise ou un politique a évoqué la possibilité d’établir une semaine de travail réduite (travailler moins d’heures avec réduction de salaire) ou comprimée (travailler moins d’heures pour le même salaire, mais avec des objectifs de productivité qui doivent être maintenus) la nouvelle a fait les manchettes et suscité beaucoup d’engouement.
En voici trois exemples :
- En Nouvelle-Zélande, la firme Perpetual Guardian fait l’expérience d’une semaine de 4 jours comprimés et se vante d’avoir augmenté la productivité;
- « Microsoft Japon teste la semaine de travail de 4 jours et sa productivité augmente de 40 % », a rapporté Radio-Canada.
- La première ministre finlandaise Sanna Marin l’a proposé alors qu’elle était ministre des Transports, mais n’y a pas donné suite lorsqu’elle a formé le gouvernement.
Admettons que cette politique d’entreprise fait rêver. Au début des années 2000, on nous avait fait miroiter une société des loisirs où chacun aurait du temps pour vaquer à ses occupations, en plus du travail.
Oui pour les nouvelles petites entreprises…
Mais ce n’est jamais vraiment advenu. Est-ce aujourd’hui réaliste d’envisager une semaine de 4 jours?
Je crois que oui, répond Julie Tremblay-Potvin, cofondatrice de la firme de consultation organisationnelle De Saison. Mais ça passera par une nouvelle génération de dirigeants et de gestionnaires. Et on n’appellera peut-être pas ça la semaine de 4 jours au début », précise-t-elle.
La consultante évoque l’engouement des entreprises à adopter des politiques d’« horaires flexibles », de « gestion par les résultats » ou de « vacances illimitées », qui peuvent être vues comme des déclinaisons du même concept, puisqu’elles reposent sur l’idée que les résultats atteints sont plus importants que le nombre d’heures travaillées.
Je pense que les nouvelles petites entreprises sont très ouvertes à construire une culture qui mesure la productivité autrement que par le nombre d’heures. »
Dans le cas des grandes entreprises, Julie Tremblay-Potvin est sceptique :
C’est plus fréquent de les voir offrir une semaine de 4 jours, mais sans égard à la productivité. C’est-à-dire que l’on coupe plutôt dans le salaire. Aussi, les entreprises qui ont des employés à l’heure ne sont vraiment pas rendues là… Je n’ai pas l’impression que les employés sont prêts à sacrifier des revenus. »
Le dilemme de la 5e journée
Caroline Maltais, directrice de l’agence d’employabilité Propulsion Carrière, entrevoit ce genre de politique d’un bon œil :
La semaine de 4 jours a plein d’avantages. Certains pays européens ont déjà des statistiques intéressantes à ce niveau : il est démontré que la charge de travail de 4 jours est aussi efficace que celle de 5. Cela sera un avantage concurrentiel pour l’employeur qui décidera de mettre en place une telle pratique.»
La directrice cite l’exemple d’entreprises scandinaves qui ont fait le pari d’un horaire condensé.
Or, pour qu’une politique de semaine comprimée fonctionne, Julie Tremblay-Potvin attire l’attention sur le fait qu’elle implique une espèce de contrat moral entre l’employé et l’employeur :
La question est de savoir comment est utilisée la 5e journée? Si l’employé l’utilise pour améliorer sa qualité de vie et sa santé psychologique, cela a bien du sens de l’offrir largement. Cependant, si les gens utilisent la 5e journée pour travailler ailleurs, faire des heures supplémentaires et maximiser leurs revenus, cela n’avance pas à grand-chose. »
En effet, le « bond » tant attendu au chapitre de la productivité sera dès lors compromis.
La semaine de 4 jours ne peut arriver sans une culture axée sur l’engagement, l’autonomisation et la productivité/résultats. Ça se fera progressivement, et peut-être pas dans toutes les conditions. »
Une adoption au cas par cas
Caroline Maltais évoque le défi que cela pose dans les secteurs en pénurie de main-d’oeuvre, ainsi que sur la gestion des horaires de certains corps de métier :
Si on pense aux emplois de préposé aux bénéficiaires, les hôpitaux ont déjà de la difficulté à recruter du personnel. Dans le cas des enseignants, on peut se demander comment on adapterait la semaine de 5 jours des étudiants. »
La semaine de 4 jours est peut-être plus réaliste pour les employés de « l’économie du savoir », les gestionnaires et, ultimement, les employés à l’heure – tant que les besoins de sécurité financière sont comblés, et ce tant du point de vue de l’employé que de l’employeur », résume Julie Tremblay-Potvin.
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