Le monde du recrutement et des RH ne sera plus jamais le même après la crise de la COVID-19
Par Kévin Deniau
14 avril 2020
La PDG de Workland, Julie Hubert, livre à Isarta Infos sa vision du monde des RH et du recrutement post crise de la COVID-19. Attention, changements majeurs et durables attendus !
Mais où est passée la pénurie de main d’oeuvre ? Il y a encore quelques semaines, le Québec battait trimestre après trimestre des records d’employabilité et les entreprises déploraient le manque de talents pour venir combler leurs besoins.
« Mais où est passée la pénurie de main d’oeuvre ? », c’est aussi le titre de la tribune récente de Julie Hubert, la présidente et fondatrice de Workland, la solution technologique québécoise pour le recrutement et les RH.
Le 13 mars 2020 est une date à se souvenir comme étant le jour où le recrutement a implosé dû au COVID-19. Après des mois où les entreprises de toutes tailles ont été confrontées à d’important défis d’acquisition de talents, la pénurie de main-d’œuvre sous sa forme actuelle a disparu en une seule journée. Les gens ont commencé à être mis en télétravail. Les entreprises ont annoncé des licenciements massifs. L’embauche a été mise sur pause pour la plupart des organisations et le niveau de peur a commencé à augmenter chez les travailleurs. Ce jour-là, un Vendredi 13, le monde du recrutement a commencé à profondément et irréversiblement se transformer, » indique-t-elle.
Elle ne s’en cache pas non plus : la crise a des répercussions à court terme de son côté aussi. Projets figés, contrats de recrutement mis sur la glace, RH en gestion de crise avec plus de mises à pied à gérer que de recrutements… Au-delà de ce triste constat, elle pointe avec humour le gain d’un projet avec une nouvelle usine de papier toilette, qui doit recruter à tour de bras !
L’entrepreneuse reste malgré tout optimiste sur le situation :
Le monde du recrutement se portera mieux après la tempête, » écrit-elle.
Mais ce dernier va évoluer et, selon elle, les enjeux de main d’oeuvre seront de retour mais sous une toute nouvelle forme. Elle revient en entrevue avec Isarta Infos sur les 5 points sur lesquels les entreprises doivent se préparer, d’après sa vision.
1. Un bon moment pour implanter des technologies RH
Julie Hubert prêche ici pour sa paroisse. Mais elle reste convaincue de ce changement et s’en explique :
À la reprise, des entreprises vont avoir des ressources financières plus limitées. Elles devront donc avoir une technologie qui va automatiser des tâches traditionnellement effectuées par des humains et trouver des moyens de recrutement plus efficaces. Comme le volume de recrutement est moins là, c’est une opportunité incroyable de prendre le virage actuellement et de tester des nouvelles approches. Car quand la demande va remboîter le pas, il sera trop tard pour l’expérimentation. »
Pour elle, l’avenir proche est synonyme de changements majeurs dans les RH.
Cela a toujours été un département dans lequel la transition numérique a été le plus difficile. On est dans un secteur humain, ce qui peut paraître antagoniste avec l’innovation technologique. Mais, là, on n’a pas le choix. Les RH vont devoir s’adapter pour être plus efficaces et pour se concentrer plus sur la stratégie, les campagnes marketing… Et non tout ce qui touche au transactionnel. »
2. L’essor du recrutement à distance
Les recruteurs vont devoir s’habituer à piloter virtuellement une plus grande partie du processus de recrutement via des plateformes de communication en ligne. Les responsables du recrutement vont certainement s’habituer à l’efficacité de cette nouvelle façon de faire qui deviendra la norme, » indique-t-elle.
Même les plus réfractaires sont aujourd’hui forcés à changer leur méthodologie… et se rendent compte que cela est bénéfique, selon elle !
J’ai des gestionnaires plus âgés qui me disaient : des entrevues virtuelles à plusieurs, tu m’aurais demandé de le faire avant, je t’aurais dit jamais en 100 ans ! Mais aujourd’hui, je ne vois pas comment cela pourrait être différent et je ne ferais jamais plus attendre un candidat trois ou quatre semaines pour une rencontre en personne. »
Les portes des entreprises vont ainsi potentiellement s’ouvrir durablement aux solutions numériques et les barrières vont s’estomper.
3. De la pénurie au surplus de main d’oeuvre
J’aimerais vraiment ne pas avoir raison sur ce point… » concède Julie Hubert.
Mais, selon elle, durant les 12 à 18 prochains mois, la pénurie de main d’oeuvre va disparaître.
Elle reviendra… mais à court terme, il y a des entreprises qui ne passeront pas cette crise ou qui vont prendre un certain temps à retrouver leur niveau d’activité. Certains secteurs ne seront plus jamais les mêmes comme l’aviation. »
À son avis, il sera donc plus que jamais nécessaire de se doter d’un outil de suivi et de gestion des candidatures pour aider à trier les masses de CVs reçus.
Un bienfait de la pénurie de main-d’œuvre, est qu’elle avait déclenchée une vague importante de changements au niveau des ressources humaines […] Même si la pénurie de main-d’œuvre a temporairement disparu, l’ouverture à la transformation numérique, à l’innovation, à la prise de risques et à des pratiques d’embauche plus inclusives, doivent demeurer au centre des priorités RH. »
4. Le recrutement international en pause
C’est une des conséquences du point précédent.
Avec la hausse des chômeurs, la main d’oeuvre va devenir plus accessible pour les entreprises qui n’en trouvaient pas. Donc le recours à l’immigration ou au recrutement à l’international sera moins nécessaire, sauf pour certains secteurs comme l’agriculture par exemple. »
5. L’ère du télétravail de masse
C’est peut-être un des changements les plus profonds de cette crise (cf cette étude de Gartner sur le sujet). Comme l’écrit Julie Hubert :
Cela semble difficile à croire, mais une partie des travailleurs ne retourneront… pas au bureau ! »
Même elle se rend compte que ses équipes sont opérationnelles à distance et que l’expérience est très positive. Alors imaginez quand les enfants retourneront à l’école ou à la garderie !
Des employés vont se rendre compte qu’ils sont plus efficaces, moins stressés et cela réduira les coûts de bureau. Après le revirement des bureaux fermés à des aires de travail ouvertes, on entre dans la prochaine phase : ta place de travail, elle est chez toi et, au bureau, il va y avoir des lieux de rencontre quelques jours par semaine, » explique-t-elle.
D’autant plus si les mesures de distanciation sociale doivent perdurer dans le temps, jusqu’à la découverte d’un vaccin ou d’un traitement. Même si un mode de travail 100 % à distance n’est pas non plus le futur pour elle, car il faut tout de même créer une culture d’entreprise.
Ce changement de mode de travail aura aussi des répercussions sur le recrutement:
L’augmentation du niveau d’adoption du télétravail se traduira en une diminution globale des barrières géographiques, augmentant ainsi les bassins de talents pouvant être considérés pour certains type de postes. »
Comme nous l’expliquait déjà un gestionnaire de la SSQ récemment. Le futur serait-il en train de s’écrire dès aujourd’hui ?
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