« L’économie ‘sans contact’ est là pour rester »
14 avril 2021
Les entreprises qui attendent la fin de la pandémie pour retourner à un modèle d’affaires «traditionnel» risquent d’être déçues. La pandémie nous a fait basculer dans l’ère « irréversible » d’une économie « sans contact », dit Jamal Boukouray, vice-président au développement des affaires chez Multidev Technologies et auteur du livre From Low Touch to Touchless : How the Contactless Economy is Poised to Shape Luxury Commerce & Remote Retailing in the New Normal? Entrevue.
Tous les experts s’entendent, clame le technologue.
La plupart des cabinets de conseil comme McKinsey (1), Gartner, E&Y, Deloitte semblent s’accorder sur la cristallisation de certaines habitudes socio-économiques et culturelles qui font de la nouvelle ère un tremplin vers le futur. »
Du jour au lendemain, les consommateurs du monde entier ont adopté des comportements qui étaient jusqu’à récemment impensables. Jamal Boukouray cite des exemples tirés de divers secteurs de l’économie.
Un de nos clients, propriétaire d’une boutique de bijoux, rencontre désormais ses clients par vidéoconférence pour leur présenter des produits, et les clients achètent sans problème. Sur la plateforme de vente de produits de luxe Tmall, en Chine, des gens magasinent à distance des voitures à 1 million de dollars. Au Québec, plusieurs ont fait des offres sur des maisons sans faire de visite libre. Ça fait partie de la nouvelle normalité.»
Pour Jamal Boukouray, la transition numérique est consommée; les concepts de «transformation numérique» ou «4.0» ne sont plus d’actualité; nous vivons dans une société 5.0 qui carbure déjà largement à l’économie «sans contact».
La société toute entière s’est tournée vers les outils technologiques pour combler ses besoins les plus primaires. Que ce soit au travail, à la maison, sur les réseaux sociaux, seul ou en famille, le numérique a augmenté nos capacités de production, d’amusement, de partage des informations, d’apprentissage et de personnalisation des échanges avec tout un chacun des citoyens de la galaxie Google, » dit-il.
Peu d’espoir pour ceux qui résistent
Jamal Boukouray admet que la nouvelle ère nous est en partie imposée par les géants du Web.
Amazon, Google, Apple et Facebook nous ont imposé un rythme. Ce sont eux qui mènent la dance. Maintenant, il faut pouvoir capitaliser sur ces outils qui nous sont imposés. »
Devant ce constat, on peut s’inquiéter de voir une part significative des entreprises canadiennes et québécoises qui tardent à prendre le virage numérique. Dans un sondage de novembre dernier, on apprend qu’un peu moins de la moitié des détaillants québécois qui étaient toujours sans plateforme de commerce électronique (48%); au Canada, 47% des PME continuent de penser que leur modèle d’entreprise «ne se prête pas» au commerce électronique.
Ceux qui sont sur le seuil de la défaillance n’ont pas le choix de se tourner vers les outils qui ont fait le succès de ceux parviennent à capitaliser malgré la crise sanitaire, répond Jamal Boukouray.
Selon lui, le rattrapage est tout à fait possible. La «rupture» actuelle a ceci de particulière : elle se fait sur une base foncièrement «démocratique», car tout le monde est forcé d’y participer.
Dans le passé, la transformation numérique venait d’en haut. C’était une affaire de CEO et de hauts dirigeants d’entreprise. Or, cette fois, les gens en premières lignes ont été obligés de prendre le virage. De ce fait, l’adoption du numérique a été énorme. Aujourd’hui, ce n’est pas surprenant de voir un petit restaurant de quartier avoir une application mobile pour prendre des commandes et faire de la livraison.»
Du jour au lendemain, on a vu la numérisation s’accélérer dans la chaîne logistique des entreprises.
Le modèle d’Amazon a imposé un standard de rapidité et de précision de livraison. Plusieurs entreprises ont voulu s’assurer que le consommateur pouvait obtenir sa livraison dans un certain délai. Elles ont été forcées de mettre à jour leurs outils technologiques, afin de soutenir leur petite équipe de manutention, dans leur entrepôt. Il doit maintenant y avoir une réelle synergie entre les besoins du client et les inventaires qui sont en entrepôts et en magasin. »
Jusqu’où ira le déploiement du numérique ?
Tout ce qui peut être optimisé ou fait à distance sans affecter la rentabilité ou la viabilité de l’entreprise sera éventuellement adopté.
Des humains en quête d’expériences
Quelle place restera-t-il à l’être humain dans cette société du tout numérique? Que nous restera-t-il à faire dans une société largement automatisée, où l’intelligence artificielle accomplira 40% des tâches actuelles ?
Vivre des expériences, tout simplement.
Ce que nous avons vécu n’est pas facile, concède le consultant en transformation numérique. C’est une expérience qui va marquer tous les modèles économiques de manière indéniable et inédite. Le défi pour les entreprises est de maintenant rejoindre les consommateurs. Toute l’économie de l’expérience est encore là , et elle est encore valable.
Nous continuerons d’aller au restaurant, de faire du sport, de voir des amis, dans une société «augmentée» qui aura pour but de faciliter et agrémenter chaque de expérience.
Le Futur est arrivé un peu plutôt que prévu… » conclut-il, visiblement enthousiaste face au chantier collectif qui s’ouvre devant nous.
Référence
(1) The Next Normal arrives : Trends That Will define 2021 -and Beyond, McKinsey
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