Maurice Vaillancourt (Keolis Canada) : « Une culture de la donnée, cela ne s’achète pas »
Par Kévin Deniau
23 septembre 2019
Les Événements Les Affaires organisent le 1er octobre prochain, une conférence sur les données et l’intelligence marketing (profitez d’ailleurs de 10 % de rabais avec le code 1ISARTA). En amont, nous avons interrogé l’un des intervenants, Maurice Vaillancourt, président de l’association marketing Québec et directeur de la stratégie d’affaires de Keolis Canada.
Pouvez-vous tout d’abord nous parler de votre rôle et de l’implantation de la culture des données chez Keolis, ces dernières années ?
Maurice Vaillancourt : Je suis directeur de la stratégie d’affaires, ce qui englobe le marketing, l’intelligence d’affaires, la relation clients mais aussi le développement des affaires, les relations publiques, la communication, et la gestion de l’offre.
De ce point de vue, tout ce qui est du domaine de la donnée, que cela soit en marketing et en décision d’affaires, cela passe par moi.
Je suis arrivé en 2015 et l’idée, c’était de prendre le virage numérique. On partait vraiment de zéro, il n’y avait aucun accès à la donnée, tout était manuel et papier. Cette implantation a donc été technologique mais aussi humaine. Ce qui inclut les équipes évidemment mais aussi, le plus difficile mais le plus important à mettre en place, la culture appropriée.
En effet, avec les données, les réflexes, les processus et les façons de travailler changent.
De votre expérience, quelles sont les bonnes pratiques à adopter pour implanter une culture des données ?
M. V. : Déjà, je recommande toujours, car c’est souvent ce qui fait défaut et qu’un projet ne fonctionne pas, d’avoir de la simplicité. Opter pour une stratégie des petits pas.
Généralement, on considère l’implantation d’une culture de données comme un plan qui se doit d’être parfait, sur plusieurs années, qui implique beaucoup d’investissements en temps et en personne. Le problème, c’est que ces projets tombent à l’eau souvent car il sont trop lourds pour s’ajouter au quotidien des équipes.
Je recommande donc de commencer par des petites victoires. On peut y arriver avec des petits changements : par exemple une personne qui vient nous appuyer, la mise en place de technologies peu complexes ou coûteuses.
D’autant que, quand on va chercher des petites victoires simples et rapides, tu encourages tes gens car ils voient les succès qu’ils ont eu grâce aux données. Et ils deviennent ensuite tes 1ers ambassadeurs en interne.
Le principe est le même pour les outils. Quand tu commences par des petites victoires, c’est plus facile d’aller justifier un deuxième investissement puis un troisième pour aller chercher des nouveaux outils, des nouvelles embauches etc.
Quand on présente un plan que l’on peut accomplir en quelques semaines, ça ouvre la porte à d’autres changements par la suite. En résumé, je propose beaucoup la méthode itérative pour s’assurer que cela reste simple.
Que vous a apporté concrètement cette culture des données ?
M. V. : On s’est par exemple fait des suivis de données pour nos plateformes de vente, ce qu’on ne faisait pas avant. Ce qui nous a permis d’être capable de déceler certaines opportunités et certains problèmes.
Si on n’avait pas été équipé pour suivre nos données, nos spécialistes n’auraient jamais été en mesure de voir certaines tendances qui nous auraient coûté des centaines de milliers de dollars. Et ça, pour presque rien, juste avec des tableaux de bord de suivis.
Grâce à ces outils et le réflexe de les suivre quotidiennement, on s’est rendu compte que sur tels ou tels canaux de vente, on avait des problèmes que l’on pouvait adresser. En seulement quelques semaines, juste avec ces tableaux de bord, on a pris des décisions d’affaires qui ont rapporté des centaines de milliers de dollars !
On n’a pas eu besoin de changer toute l’entreprise pour cela. On a juste structuré nos outils, suivi nos données et défini des objectifs à atteindre. Ces dollars sauvés ont fait en sorte que les salariés concernés ont été les premiers ambassadeurs de cette culture et ont permis de justifier de nouveaux investissements, comme un nouvel outil ou un nouvel analyste, qui pouvaient permettre de creuser un peu plus encore. Tout cela découle d’une première solution très simple.
Avez-vous fait appel à des outils externes ou les avez-vous développé en interne ?
M. V. : C’est un mélange des deux. Si nos besoins peuvent être répondus en externe, c’est tant mieux. Sinon on développe. Il ne faut pas s’adapter à un outil, il faut partir de nos besoins.
L’inverse marche aussi : si l’outil correspond, on n’a pas besoin de devenir des développeurs et réinventer la roue.
Avez-vous été accompagné par des experts externes ?
M. V. : Je pense que c’est important qu’il y ait des experts, des consultants ou des firmes qui viennent nous débloquer à certains moments. Mais le travail doit être fait par les gens à l’interne. Tu ne peux pas t’acheter une culture de la donnée. Tu ne peux pas dire à une firme externe de nous l’implanter.
Ça doit venir du coeur, des gens en place, de la direction et être une priorité. Cela doit faire partie du discours des dirigeants sur une base régulière. Cela étant dit, les dirigeants n’ont pas besoin d’être des experts de la donnée et connaître le sujet sous tous les angles. Il faut qu’ils sachent se faire accompagner par des gens qui vont venir débloquer et les remettre en question.
Moi, j’avance avec mes équipes le plus loin possible et quand je vois que l’on commence à être bloqué, on fait appel à ces experts externes qui vont nous permettre de repartir dans la bonne direction. Mais c’est important que l’exécution soit effectuée par les équipes.
La réponse doit venir de nous en bout de ligne. Il ne faut pas un discours qui en parle au début de l’année puis plus rien ne se passe après. Nous, c’est placardé sur tous les murs. On a des écrans, c’est hyper transparent et on s’assure que ce qu’on communique, c’est toujours de la donnée.
Quel a été le déclencheur de ce virage numérique chez vous ?
M. V. : La chose qui nous a grandement facilité la tâche, mais je ne souhaite à personne d’avoir cet avantage : ça faisait tellement mal au niveau des résultats, qu’il fallait changer.
Avant, cela fonctionnait beaucoup à l’instinct, il y avait très peu de reporting ou d’analyse. Il y a donc eu une prise de conscience de la haute direction qui a bien compris que les entreprises qui ont du succès ont une culture de la donnée. Quand je suis arrivé, à peu près toute l’équipe a été changée.
Ils ont fait venir des gens qui utilisent des données, qui ont mené des transformations numériques, qui croient à la donnée. Donc, finalement, la décision a été plus facile parce que cela allait mal et qu’on n’avait plus le choix. Quand cela va bien, c’est sûr que c’est plus difficile de changer.
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