Parité des conseils d’administration : « Le manque de femmes qualifiées est un mythe »
12 avril 2021
En 2020, les femmes représentaient seulement 20% de la composition des conseils d’administration des entreprises canadiennes, selon une étude de l’Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM). Un progrès de 9% depuis 2015. Ce qui est inquiétant, c’est que seulement 30% des sièges vacants sont comblés par des femmes… À ce rythme, la parité n’est pas prête d’être atteinte ! Que peuvent faire les entreprises pour briser le fameux « plafond » de verre qui freine les femmes dans leur accession à la haute sphère des CA? Nous avons abordé la question avec Andrea Plotnick, vice-présidente senior, solutions de conseil d’administration et de direction chez LHH.
Andrea Plotnick accompagne des entreprises qui se donnent des objectifs de parité et d’inclusion au sein de leurs conseils d’administration. Et elle n’achète pas le « mythe » qu’il existe un manque de femmes qualifiées pour occuper ces postes.
Si on s’éloigne de l’exigence d’une expérience de chef de la direction et qu’on s’appuie plutôt sur les matrices de compétences, on retrouvera alors beaucoup de femmes qualifiées », explique-t-elle.
À la lumière de ses propos, on comprend que les femmes qui veulent appliquer font face à un premier obstacle « systémique », soit le fait que les CA ont le réflexe de recruter des PDG, alors que les femmes sont historiquement peu nombreuses à être PDG.
Des bâtons dans les roues
Ce n’est bien sûr pas le seul élément qui joue contre elles. Le «boys club» qui a longtemps prévalu dans le monde des affaires donne une longueur d’avance aux hommes qui peuvent utiliser leurs réseaux pour accéder aux postes les plus convoités.
Pour compliquer l’affaire, les femmes elles-mêmes se mettent certains bâtons dans les roues :
Elles consultent les publications du conseil d’administration et si elles ne répondent pas à toutes les exigences du poste, elles n’appliquent pas. Les hommes ont tendance à adopter une attitude différente et sont plus disposés à appliquer, même s’ils ne satisfont pas toutes les exigences. »Â
Si certaines femmes manquent de confiance en elle, note Andrea Plotnick, d’autres manquent simplement de « modèle » à suivre, pour s’autoriser à aller de l’avant.
Finalement, la vie personnelle pèse dans la balance de plusieurs femmes. Celles-ci prennent sur leurs épaules une grande part des responsabilités familiales, ce qui a comme conséquence de freiner ou de reporter à plus tard leurs ambitions de carrière.
Que peut-on faire?
Loin d’être fataliste, Andrea Plotnick voit plusieurs chantiers possibles pour aider les entreprises à s’ouvrir à une plus grande diversité dans la composition de leur conseil d’administration.
S’ouvrir à la diversité demande de travailler délibérément sur les problèmes sous plusieurs angles. »
Elle nomme quelques initiatives :
- Créer des programmes féminins de développement en leadership
- Créer des programmes de parrainage entre cadres supérieurs et femmes à fort potentiel.
- Conseiller les femmes sur la manière de développer progressivement des compétences pertinentes pour joindre un conseil d’administration, afin qu’elles soient prêtes à occuper un siège au conseil d’administration lorsqu’elles en auront le temps.
Les conseils d’administration doivent aussi examiner leurs pratiques, afin d’en éliminer les biais implicites. Andrea Plotnick cite en exemple son entreprise LHH, qui a créé un processus pour évaluer les administrateurs pour l’inclusion.
Cela peut être révélateur. De nombreux CA sont bien intentionnés et cherchent à renforcer la diversité, mais ils ne sont peut-être pas conscients de leurs préjugés inconscients qui les gênent, à chaque étape du processus. Évaluer le CA est une manière de montrer que nous ne sommes peut-être pas tous aussi inclusifs que nous le pensons. »
Changer la culture plutôt que « réparer le passé »
Dans le dossier de la parité, Andrea Plotnick remarque que les efforts se concentrent sur la « réparation » des femmes.
L’accent devrait être davantage mis sur l’adaptation des cultures pour qu’elles soient plus inclusives et pour qu’elles valorisent vraiment la diversité. Ceci n’est pas un exercice de cases à cocher uniquement axé sur les chiffres. Il faut réfléchir davantage à la manière de créer les bonnes cultures pour permettre à divers groupes de partager leurs points de vue, plutôt que de ressentir une pression pour s’y conformer. »
Enfin, les entreprises doivent se rappeler qu’une plus grande parité n’est pas seulement une responsabilité sociale, c’est surtout une bonne manière de faire des affaires.
Les recherches montrent qu’une diversité bien canalisée mène vers une meilleure innovation, agilité, performance financière et une foule d’autres mesures. Alors que des équipes homogènes peuvent prendre des décisions plus rapidement, une équipe diversifiée qui fonctionne bien prendra de meilleures décisions. Si un conseil doit assurer la surveillance des risques, il est essentiel de pouvoir réfléchir à plusieurs points de vue!»
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