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Pourquoi Touché! milite pour « l’achat média responsable » auprès des plateformes québécoises et canadiennes

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Alain Desormiers : « Il est impératif que notre industrie – agences, annonceurs et diffuseurs, repense ses modèles de façon à soutenir nos salles de nouvelles et nos contenus tant au Québec que dans le reste du Canada. » 

10 janvier 2020

En ce début d’année, nous vous proposons sur Isarta Infos des grandes entrevues avec des décideurs québécois, sur des sujets qui peuvent devenir de véritables tendances de fond. Premier épisode de cette série avec Alain Desormiers, le fondateur de Touché! et chef de la direction d’Omnicom Media Group Québec, qui nous parle d’achat média responsable.

On l’écrivait déjà ici en novembre dernier, les médias, notamment québécois et canadiens, ne vont pas fort et auraient besoin de bien plus que des voeux de bonne santé en ce début d’année. Parmi les raisons de ces difficultés : Facebook et Google « qui accaparent près de 80% des revenus publicitaires numériques totaux au Canada » selon Pierre-Eliott Levasseur, président de La Presse

Alors que le gouvernement du Québec a voté en octobre dernier un plan d’aides pour soutenir les médias écrits de la province, une autre nouvelle, passée plus inaperçue, a apporté des motifs d’espoir au secteur.

Dans le cadre de sa récente campagne « La voie qu’on aime », Via Rail et son agence média Touché! ont décidé de repenser leur stratégie d’investissement publicitaire en allouant… 80 % des montants pour les marchés de l’Ontario et du Québec aux médias et plateformes numériques canadiennes. Soit 25 % de plus que pour la campagne de 2018. Sachant que nous parlons ici d’une activation de plusieurs millions de dollars.

Plus intéressant encore : la campagne, avec la même plateforme créative et pour un budget similaire, a surpassé de 25 % la performance de celle de l’année passée, et a permis une augmentation des revenus totaux de 5,5 % et du taux d’achalandage de passagers de 6 %.

La preuve qu’investir dans les médias d’ici peut rapporter d’excellents résultats tout en soutenant les salles de presse locales. C’est en tout cas le but avoué de cette approche « d’achat média responsable » de Touché!, selon les termes du communiqué de presse envoyé pour l’occasion : inspirer d’autres annonceurs à prendre action et créer un mouvement pour venir en aide aux salles de nouvelles canadiennes.

Pour en savoir plus sur cette initiative, nous avons interrogé Alain Desormiers, le fondateur de Touché!.

Pouvez-vous revenir sur les raisons de cette décision « d’achat média responsable » avec Via Rail ?

Alain Desormiers : Chez Touché!, on se pose beaucoup de questions depuis 2017 sur l’état de la nation et l’évolution des médias d’ici. Ces derniers sont en effet pris dans une sorte de cercle vicieux : ils créent du contenu d’information ou de divertissement, mais, avec l’assèchement des recettes publicitaires, moins il y a de revenus injectés, moins il y a possibilité de créer du contenu à valeur ajoutée et moins cela crée des auditoires.

On est interpellé par ce sujet et on aime se challenger, autant nous-même à l’interne que l’industrie plus globalement. Donc on s’est demandé : c’est quoi le bon dosage ?

Clairement, les plateformes globales sont efficaces. Les Canadiens et Québécois utilisent ces plateformes, donc c’est une bonne  façon de transporter nos messages publicitaires vers les consommateurs. Mais jusqu’à quel point faut-il délaisser nos médias nationaux et creuser encore plus le problème ? On se pose donc la question d’un équilibre entre les deux à atteindre pour qu’une part équitable revienne aux médias d’ici.

Quelle a été la réaction des annonceurs face à ce discours ?

A. D. : Évidemment, beaucoup se demandent si cela va être aussi performant. Il est en effet tellement simple d’aller sur les plateformes globales et elles sont tellement bien équipées en outil de mesure… On s’est donc mis à l’attaque et on s’est dit : on va répondre à cette question fondamentale.

Fort de notre campagne 2018 avec Via Rail, qui a été très performante et a gagné de nombreux prix, on s’est dit que, pour 2019, on allait poursuivre sur la même thématique tout en en profitant pour tester un dosage média plus favorable aux médias d’ici durant l’été et l’automne. Ce n’était donc pas juste un petit volet de la campagne mais bien la campagne entière ! Avec les bons résultats que l’on connaît donc.

Cette dimension fait-elle partie du rôle d’une agence de placement média selon vous ?

A. D. : Notre rôle en tant qu’agence média, c’est d’aider nos clients à améliorer leurs résultats d’affaires en leur recommandant des stratégies médias qui connectent leur marque avec les consommateurs. C’est notre mission de base.

Mais on s’est dit qu’on devrait aussi jouer un rôle pour que nos stratégies d’investissement média supportent l’écosystème des médias québécois. On s’est ajouté cette dimension sociale, responsable, éthique, de développement durable, appelez-là comme vous le voulez, pour voir jusqu’à quel point il y a moyen d’allier ces deux objectifs.

On veut continuer à aller dans cette direction [NDLR : cette stratégie avec Via Rail sera reconduite pour 2020] et, avec les résultats de cette campagne, on trouve qu’on est mieux équipé pour avoir une discussion avec nos clients.

Notre vision n’est pas d’appliquer une formule magique. Chaque dossier et chaque client sont différents. Mais on veut au moins se poser la question chaque fois, de supporter les médias d’ici, qui contribuent à la richesse de la culture et l’information.

Avec quels médias avez-vous travaillé pour cette campagne avec Via Rail ?

A. D. : La majorité des grands médias canadiens, que cela soit Bell, La Presse, Québecor, Météo Media, Radio Canada et tout le pendant anglophone avec Rogers notamment.

Attention : les plateformes comme Facebook et Google demeurent efficaces pour nos campagnes. Mais la question est plutôt de savoir comment on s’assure que l’allocation budgétaire est équitable.

L’achat média « responsable » est-elle une tendance amenée à se développer pour vous ?

A. D. : C’est notre souhait en tout cas. On sent qu’il y a un certain mouvement, initié par les agences. L’association des agences créatives a d’ailleurs soumis un mémoire qui va en ce sens, en octobre dernier.

Cela a fait écho quand on en a parlé à Via Rail qui a été très réceptif et pour qui cela renvoie à ses valeurs d’entreprise. Après, chaque annonceur est différent. Le sujet est plus important pour certains que d’autres. Ce n’est pas nécessairement le premier enjeu que les annonceurs ont en tête. En tout cas, notre mission, c’est d’ouvrir la discussion. Pour nous, ce sont des enjeux d’affaires mais aussi de société et de démocratie. Mais, à la fin de la journée, cela reste bien entendu le budget des annonceurs.

Quelles sont les grandes différences entre un investissement média sur Facebook ou Google et des médias locaux ?

A. D. : Pour nous, honnêtement, c’est plus facile de mettre tous les fonds sur deux plateformes globales. Cette notion de responsabilité nous demande plus de temps et plus d’énergie.

Mais, à la fin de la journée, est-ce qu’on livre des résultats probants pour nos clients ? Oui. Et est-ce qu’on aide les plateformes d’ici ? Oui. Il n’y a pas d’autres désavantages pour le client.

N’oublions pas aussi que, à plus long terme, plus on assèche l’écosystème canadien de revenus publicitaires, moins il y aura à l’avenir de moyens de connecter différemment avec les consommateurs. On a donc intérêt à avoir un écosystème canadien riche.

D’après-vous, est-ce une tendance à l’échelle mondiale ?

A. D. : Je n’ai pas vraiment vu passer de mouvement de ce genre. Peut-être que cet enjeu est un peu plus aiguë au Québec francophone. On a en effet un écosystème francophone très riche, avec beaucoup de contenus pour les québécois, dans un océan anglophone.

Pour moi, c’est important de continuer à cultiver cela d’un point de vue de la culture. Si ces médias souffrent tellement qu’ils ne peuvent plus produire du contenu original ici, on fait quoi ? Il est impératif que notre industrie – agences, annonceurs et diffuseurs, repense ses modèles de façon à soutenir nos salles de nouvelles et nos contenus tant au Québec que dans le reste du Canada.



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