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Conférence AgendaPR : Comment les médias pourront survivre à la mainmise des réseaux sociaux ?

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Crédit : Our next project – AgendaPR

29 novembre 2019

À l’occasion de la journée de conférence d’AgendaPR, le 27 novembre dernier au W Montréal, un panel s’intéressait à l’avenir des médias. Âmes sensibles s’abstenir…

Le succès de la thématique, à voir l’affluence présente dans la salle, est en effet inversement proportionnel à celui des médias de nos jours, à entendre les intervenants.

Nous venons de perdre trois journalistes sur les douze de notre rédaction en septembre. La Presse vient d’abolir 15 postes dans la salle de presse. Le quotidien gratuit StarMetro va cesser ses publications en décembre. Et je ne parle même pas de la presse régionale, » lance d’emblée Denis Lalonde, chef de l’information pour lesaffaires.com.

Ambiance.

Le journaliste spécialiste des hautes technologies conclut malgré tout par une note d’humour auprès des nombreux relationnistes de l’audience :

Le ratio RP / journaliste est en constante hausse ! »

Les GAFA en première ligne

Patrick Howe, président de l’agence de relations publiques Consulat et de la Société québécoise des professionnels en relations publiques (SQPRP), même s’il dit croire fondamentalement en la force de la crédibilité des médias, se montre tout aussi préoccupé. Comme l’illustre la lettre ouverte publiée en août dernier après l’annonce de la faillite du Groupe Capitales Médias.

Selon une étude réalisée par la firme Influence Communications pour le compte du Syndicat canadien de la fonction publique, les régions ont perdu jusqu’à 88 % de leur présence dans les médias depuis le début des années 2000. Il est de plus en plus difficile au quotidien de faire rayonner les entreprises par ce biais, » déplore-t-il.

Les responsables de ce marasme sont tout trouvés : les GAFA, les géants du numériques que sont Google, Apple, Facebook et Amazon !

Ils ont des régies publicitaires du feu de dieu et vont accaparer les budgets publicitaires autrefois alloués aux médias traditionnels, explique Denis Lalonde. C’est autant d’argent qui, au lieu de rester au Québec, s’en va en Californie. »

Le journaliste prend d’ailleurs l’exemple de Facebook pour démontrer tout le paradoxe actuel.

Mon modèle d’affaires n’est pas d’être sur Facebook, sinon je n’ai rien à faire en journalisme. Mais nous y diffusons tout de même nos articles pour accroître leur visibilité. Avec son changement d’algorithme en début d’année, nous avons perdu près de 60 % dans la portée de nos publications. Donc non seulement, on ne nous paie pas de redevance pour nos articles qui nourrissent la plateforme… mais en plus, c’est désormais à nous de payer pour avoir de la portée! »

L’avenir des médias… mais aussi de la culture et de la démocratie

Une situation confirmée par Sophie Banford, Directrice générale et éditrice chez KO Média (Véro, Elle Québec, K pour Katrine…).

C’est très difficile de ne pas jouer la game. C’est l’histoire de la poule avant l’oeuf. Beaucoup de notre trafic vient en effet de Facebook. Donc il faut être là et payer pour être là ».

On a créé un monstre, ajoute Patrick Howe. Facebook est devenu un agrégateur de nouvelles. Et nous entretenons cela en ne payant pas l’information et en pensant que c’est gratuit. »

L’enjeu est d’ailleurs bien plus grand que le simple avenir d’une industrie :

C’est notre culture qui est menacée. Il est important en effet de préserver notre culture et notre langue. Cela passe par nos médias, » indique Sophie Banford.

Pour les professionnel(le)s des RP, la conséquence de cette situation est… la difficulté de savoir à qui s’adresser désormais dans les rédactions, avec les postes supprimés.

On est amené à parler de plus de sujets et à porter plusieurs chapeaux. Il faut nous poser des questions directement avant de nous envoyer un communiqué. Par exmple, si cela ne traite pas des affaires, je n’ouvre pas le courriel personnellement. Je reçois parfois des communiqués pour des pièces de théâtre ou des trousses de maquillage ! » sourit Denis Lalonde.

Une adaptation nécessaire

Malgré tout, le problème des réseaux sociaux ne doit pas être la raison qui empêche les médias de s’adapter, insiste Patrick Howe.

Certes, ils siphonnent les revenus et les utilisateurs. Mais cela ne doit pas être une raison pour ne plus faire son travail de journaliste et par exemple de ne faire des articles qu’avec des captures d’écran de Twitter. »

Car, au-delà de cette nouvelle compétition pour les médias, il faut aussi pointer la moindre fidélité du lectorat aujourd’hui avec des désabonnements plus fréquents.

Un média ne peut plus subvenir qu’avec des revenus publicitaires. Aux Affaires, nous avons choisi la création d’événements par exemple. Mais n’oublions pas que si le journal n’a plus d’abonnement non plus, on ferme demain. »

La stratégie employée par Sophie Banford ? Miser sur le contenu, la qualité… et l’agilité.

On croit au contenu. Il y aura toujours plus de contenus que de publicités chez nous. La proportion est de 60 à 70 % de contenus dans nos magazines. Nous essayons aussi d’être très agiles. On a lancé 7 magazines ces dernières années. Et par exemple, quand on se rend compte que les efforts investis ne méritent pas la peine de continuer, comme ce fut le cas pour « Maman pour la vie », on arrête. On adapte également notre stratégie de diffusion : pour les magazines culinaires, on sort trois numéros seulement par année. On essaie des modèles hybrides entre le magazine et le livre. Enfin, on a augmenté le prix de 1$ du magazine Véro et les chiffres de ventes sont identiques. »

Des idées qui semblent payantes : depuis que KO Média a racheté les magazines Elle Québec et Elle Canada, en mai dernier, les ventes en kiosque ont doublé. D’ailleurs, le papier séduit toujours autant selon elle.

Les gens ont comme un besoin d’une detox de l’électronique. »

L’ingrédient du succès, c’est l’adaptation au marché. Certains médias traditionnels n’ont pas vu le train arriver. Par exemple, le basculement des annonces dans La Presse vers Kijiji aurait dû être un premier signe, » souligne Patrick Howe.

L’audience n’est pas une fin en soi

Ce dernier plaide d’ailleurs pour une aide financière temporaire des gouvernements pour que les médias développent de nouvelles méthodes d’affaires. Mais se montre plus dubitatif sur le pouvoir des crédits d’impôts pour sauver certains médias.

Pour Denis Lalonde, il est aussi important de suivre les bons indicateurs :

Certains restent obnubilés par les chiffres d’audience. Est-ce que 20 000 lecteurs en plus sur Les Affaires est une bonne chose ? S’ils ont tous des bloqueurs de publicité par exemple, cela ne m’intéresse pas. La vraie question est qui serait prêt à payer ».

Enfin, la discussion s’est terminée sur les publicités politiques, à l’occasion des dernières campagnes provinciales et fédérales… qui ont totalement désertées les médias !

Les gouvernements n’ont fait que suivre les utilisateurs… qui sont sur les réseaux sociaux, » résume Patrick Howe.
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