« C’était Noël tous les jours à la fin mars » : Comment la SAQ a surmonté la crise de la COVID-19
Par Kévin Deniau
15 mai 2020
La semaine dernière, nous vous parlions de la causerie en ligne de Jean-Marc Léger organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain sur les nouvelles habitudes des consommateurs après la crise de la COVID-19. Le 12 mai dernier, c’était au tour de Catherine Dagenais, présidente et chef de la direction de la Société des alcools du Québec (SAQ) de partager sa vision concernant la pandémie mondiale. Compte-rendu.
Celle qui est devenue, en 2018, la première femme à la tête de la société d’État, insiste pour commencer par le caractère privilégié de son entreprise durant cette crise :
Les affaires vont bien, on a pu rester ouvert depuis le début. Mais surtout nos employés vont bien. »
Contrairement à beaucoup d’entreprises, le début de la crise a même été synonyme d’activité sur les chapeaux roue pour la SAQ :
Beaucoup de Québécois ne savaient pas si on allait fermer ou pas. C’était donc la folie furieuse la dernière quinzaine de mars. C’était Noël tous les jours… dans un contexte où l’on n’avait pas prévu que cela être Noël ! Il a fallu gérer les stocks mais aussi le stress et la nervosité engendrés. On a ainsi dû s’adapter vite pour sécuriser nos salariés autant en succursale qu’en entrepôt. »
Catherine Dagenais explique d’ailleurs le maintien de l’ouverture des SAQ pour des raisons sociétales (importance de se faire plaisir pour agrémenter un bon repas par exemple ou risque du marché noir) mais aussi économiques :
La SAQ joue plus que jamais son rôle de sécuriser les revenus de l’État. Toutes les semaines, on remet 25M$ à l’État, ce n’est pas rien, surtout dans cette période ! »
Catherine Dagenais reconnaît qu’elle a dû s’adapter très rapidement car « le livre de la COVID n’était pas écrit. » Elle livre ainsi ses 5 apprentissages majeurs de cette crise autant d’un point de vue de la gestion d’une entreprise que du commerce en général :
1. La santé et le bien-être des clients et des salariés sont la base de tout
Évidemment, gérer des magasins physiques pendant la COVID-19 implique de prendre des mesures sanitaires fortes.
Surtout dans ce contexte d’inquiétude où certains clients oubliaient les consignes de sécurité et d’hygiène en arrivant dans les magasins. »
Au final, selon Catherine Dagenais, aucun cas n’a été recensé dans les entrepôts et seulement huit cas en magasin sur les huit dernières semaines… sur les 5 500 employés au total. Ce qui lui fait dire que les bonnes mesures ont été mises en place.
2. L’importance de communiquer, communiquer et communiquer
Pour elle, la communication est clé pendant une crise. Le défi fut d’autant plus grand de son côté qu’elle a, elle-même, été confinée en quatorzaine le 13 mars, car elle revenait tout juste de vacances.
Il a fallu mettre en place des appels téléphoniques plus fréquents, organiser plus de communication avec les gestionnaires immédiats… L’objectif, c’était d’écouter les employés, entendre leurs préoccupations mais aussi les informer de ce qui s’en venait. »
La plus grande difficulté fut évidemment, dans un groupe d’une telle taille, de réussir à rejoindre tous les publics cibles, que cela soit en succursale, en entrepôt ou dans les bureaux.
La communication vaut aussi pour la clientèle… et les syndicats.
Il y en a trois chez nous et il n’existe pas de clause dans nos conventions collectives sur la Covid. Il a donc fallu se serrer les coudes et trouver des solutions en collaboration pour que ça marche. »
3. Le télétravail
Par chance, la SAQ avait initié en janvier un début de télétravail pour ses employés de bureaux… à la base pour faire face aux désagréments de la réfection du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Il s’agissait de un jour par semaine.
On était donc outillé pour le faire. Mais cette épreuve montre bien que cela marche et que c’est possible d’opérer à distance. »
Une expérience imposée mais obligatoire qui lui fait dire :
On va avoir recours au télétravail de manière beaucoup plus importante que ce qu’on avait prévu après la crise. Le temps bien entendu de faire le bon post mortem afin d’être encore plus efficace à ce sujet. »
4. L’enjeu des chaînes d’approvisionnement et des ventes en ligne
Traditionnellement, les ventes en ligne représentent moins de 2 % des revenus de la SAQ et 80 % d’entre elles concernaient des livraisons à venir récupérer en succursale.
Mais avec la crise, les ventes en ligne ont explosé (+ 200 %) et ont changé de nature : 70 % devaient être livrées à domicile.
Ça a tout changé nos façons de faire et nous n’avons pas été en mesure de tenir notre promesse de livraison entre trois et cinq jours car nous avons littéralement été pris d’assaut. »
Par gérer ce flux exceptionnel, des décisions radicales ont dû être prises : le catalogue de produits en ligne a été nettement revu à la baisse (le nombre de références disponibles est passé de 4 000 à moins de 500). Et une succursale a dû être ouverte à Montréal pour préparer les commandes des produits les plus populaires.
On est en train de réduire le backlog de retard. On livre entre 5 et 16 jours présentement et ça s’améliore tous les jours, » affirme-t-elle.
À noter que les 12 $ de frais de livraisons facturés par la SAQ sont intégralement remis aux banques alimentaires du Québec. Une campagne vient d’ailleurs d’être lancée pour aller encore plus loin :
Malgré cet incident, Catherine Dagenais voit dans ces comportements une tendance durable, qui ne s’estompera pas après la crise :
Les commandes en ligne ne disparaîtront pas. Est-ce que cela sera toujours autant en livraison à domicile ? Je ne sais pas et on va suivre cela de prêt. Car il faut bien voir que tout le monde est chez soi présentement, donc c’est plus facile pour réceptionner des colis. À voir quand ils devront retourner au travail. »
5. La notion de partage
Son dernier enseignement est plus social :
Plus que jamais, on réalise à quel point le commerce de détail joue un rôle social et que nous sommes dans un véritable écosystème : on achète à plus de 3 000 producteurs dans le monde. »
Elle se rend compte aussi de l’influence grandissante du local :
Il y a un vrai momentum pour les produits du Québec. On voit un engouement des employés qui les mettent en étalage mais aussi de la clientèle : depuis début avril, on note une augmentation de 60 % des ventes de vins du Québec et de 80 % pour les spiritueux. »
Avant de conclure :
Le commerce de détail était déjà en transformation mais, plus que jamais, le bouleversement va s’accélérer ! »
Retrouvez l’intégralité de l’intervention ci-dessous :
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