Dilemme éthique : une si bonne question que cela en entrevue ?
4 avril 2022
Dans un article de février paru dans Forbes, l’entrepreneur et coach de carrière Isaiah Hankel incluait parmi les tendances de recrutement une question à laquelle de plus en plus de ses clients ont dû répondre : « Racontez-moi une fois où vous avez enfreint votre propre éthique de travail. » Glup… Pas évident de répondre, dites-vous?
Isaiah Hankel est le fondateur de Cheeky Scientist, une entreprise qui aide des détenteurs de PhD à se trouver des emplois à la hauteur de leurs compétences. Et, selon lui, de plus en plus de recruteurs posent cette délicate question en entrevue.
Il semble que ce soit une nouvelle manière de demander : quelles sont vos faiblesses ? », explique-t-il dans son article.
Si la tendance est réelle, il s’agit peut-être d’une manière pour les recruteurs d’obtenir une réponse plus authentique à la traditionnelle question « des faiblesses », qui appelle généralement des réponses prudentes, du genre : « je suis trop perfectionniste! »
Pour répondre à la question, rappelle d’ailleurs le coach de carrière, il est préférable de choisir une faiblesse qui ne compromet pas notre habilité à réussir dans l’emploi convoité. »
Une tendance… plutôt marginale?
En faisant quelques recherches sur le sujet, il appert qu’il existe bel et bien une catégorie de questions abordant les « dilemmes éthiques » (voir une référence ici). Voici des exemples de questions d’entrevue se rapportant à l’éthique:
- Racontez-moi un dilemme éthique auquel vous avez été confronté;
- Que feriez-vous si vous étiez témoin d’un collègue qui pose un geste non éthique?
- Que feriez-vous si un superviseur vous demandait de poser un geste non éthique?
Nous avons trouvé une telle question dans un guide d’entrevue destiné à des recruteurs:
Toutefois, ce genre de questions semblent peu fréquent dans le monde francophone. Après vérification auprès de plusieurs recruteurs québécois, aucun d’entre eux n’avait entendu d’une question parlant d’enfreindre « sa propre éthique de travail ». Et plusieurs l’ont jugée déplacée ou même offensante, car elle donne l’impression de vouloir piéger le candidat.
Ça m’est déjà arrivé de demander au candidat s’il a déjà faire une erreur ou pris une mauvaise décision, reconnaît Julie Savage-Fournier, gestionnaire de projet d’optimisation des systèmes dans le réseau de la santé. Ce que je voulais savoir, c’est s’ils reconnaissent qu’ils peuvent faire une erreur, comment ils s’en sont rendus compte et comment ils ont corrigé la situation. La nature de l’erreur ne m’importait pas. Demander une situation où le candidat est allé à l’encontre de ses valeurs ou de son éthique, je trouve cela un peu extrême. C’est une ligne que personnellement je ne franchirais pas et je trouve malsain de présumer que c’est quelque chose qui arrive couramment. »
Julie Gouin, qui est conseillère en orientation, ne s’est jamais fait poser la question. Elle n’y attache toutefois pas de connotation négative.
Personnellement, j’aimerais me faire poser cette question, car ça permettrait de faire connaître mes valeurs et de m’assurer qu’elles correspondent à celles de la compagnie. »
Retour d’expérience
Lors de nos recherches, nous avons trouvé une candidate qui s’est déjà fait poser cette question en entrevue. Son expérience montre que cette question est à manier avec précaution.
Ce fut ma pire entrevue à vie, raconte-t-elle, souhaitant préserver son anonymat. Cela visait un emploi au développement des affaires auprès d’un promoteur d’événement sportif. J’ai fini l’entretien en me demandant si je me cherchais un emploi ou si on venait de faire mon procès. C’était l’équivalent d’une psychanalyse à deux sous, qui m’a fait pleurer et me demander si j’avais vraiment de la valeur. »
Voici une belle manière de torpiller son expérience candidat!
Sur le même thème
entrevue