Conférence Agenda PR : « Une crise bien gérée est une crise dont on ne se rappelle plus »
Par Kévin Deniau
3 décembre 2019
Deuxième partie de notre compte-rendu de la conférence Agenda PR organisée le 27 novembre dernier. Après avoir parlé de l’avenir des médias, intéressons-nous à la gestion de crise.
Deux sujets qui auraient pu être liés, tellement la situation des médias au Québec et dans le monde est préoccupante. Mais en l’occurence, cette conférence avait plus pour vocation d’aborder les bonnes pratiques à adopter en relations publiques lors de gestion de crises.
La première est lancée d’emblée par Jean Gosselin, stratège consultant indépendant :
Deux tiers des crises auraient pu être évitées si une gestion des enjeux avait été réalisée au préalable. Il y a un vrai examen de conscience à faire, sans arrière pensée et sans complaisance. Et il ne faut surtout pas tomber dans le piège du ‘les crises, c’est pour les autres’. Il faut avoir la force de contester parfois ses patrons ou ses clients ».
Ce que Daniel Matte, associé chez Tact, confirme.
Si tu mènes une bonne gestion de tes enjeux, tu peux empêcher en effet que cela découche sur une crise derrière. Pour ma part, j’établis des listes constamment avec des enjeux qui peuvent arriver… elle peut être très longue pour certains clients ! »
Pour trouver ces enjeux, Marie-Christine Garon, Directrice et leader des secteurs Sports et loisirs chez National pose une question toute simple : « Qu’est-ce qui t’empêche de dormir la nuit ? » Pour elle, il est également important de respecter les rouages de l’entreprise et de ne pas arriver avec ses gros sabots, en venant avec un plan de gestion standard de 40 pages.
Quel plan lors d’une gestion de crise ?
Voici pour les préparatifs d’une (potentielle) crise. Mais quand cette dernière intervient… quels sont les réflexes à avoir ?
S’il faut élaborer un plan, c’est déjà trop tard ! estime Jean Gosselin. Il faut bâtir son plan avant et suivre les étapes ensuite en cas de crise. Si tu n’as pas de plan et que tu n’as pas d’outil de veille média par exemple, tu vas retarder d’autant ton délai de réponse. »
Avant de poursuivre :
Je parlerais plutôt d’un plan de réaction que de gestion… car on ne peut pas vraiment gérer ! sourit-il. Lors d’une crise, le pire ennemi, c’est le temps. Donc il faut prendre toutes les décisions qui vont te permettre de t’en faire sauver. Une chose toute bête à prévoir par exemple : avoir les numéros de téléphone de tout le monde ou connaître les mots de passe des réseaux sociaux de l’entreprise ! Car une crise arrive rarement le mercredi à 15h… et plus souvent le samedi matin quand tu es au chalet ! »
Pour Marie-Christine Garon, il est évident qu’il faut penser à la communication externe… même s’il ne faut pas oublier les autres types de communication en parallèle.
On oublie souvent la communication avec les employés, les clients, les relations gouvernementales, les partenaires etc. Il faut réagir vite mais toucher à tous les aspects aussi. Pendant et même après la crise. »
Pour Daniel Matte, une des premières choses à faire est de prendre connaissance des faits et de mettre en place une veille média et réseaux sociaux. Puis, décider d’un plan d’actions. Tout ceci dans un laps de temps de 90 minutes maximum.
Il convient également de se demander si on est vraiment en crise et, si cette dernière est plus organisationnelle ou réputationelle. Les réponses ne sont en effet pas les mêmes. Même si les crises sont souvent un mélange des deux. Puis, il faut garder son sang froid et gérer ses émotions. Nous avons plus un rôle de psychologue que de consultant dans les premières 30 minutes. Nous devons faire baisser la pression, » explique aussi Jean Gosselin.
L’influence des réseaux sociaux
Vanessa Damha, porte-parole nationale chez Bell et animatrice de la discussion a alors demandé aux intervenants ce que les réseaux sociaux avaient changé à leur quotidien.
C’est juste un autre canal de communication qui change drastiquement la rapidité de propagation de l’information. Les principes restent les mêmes… mais il faut les mettre en place plus tôt désormais, avance Jean Gosselin. Les médias sociaux permettent également de contrôler davantage le message en publiant directement sur ses plateformes. »
Les fausses nouvelles se propagent aussi plus vite. Et, aujourd’hui, ce n’est plus seulement le journaliste qui peut donner son opinion publiquement, c’est tout le monde ! Il est donc plus difficile de corriger les choses qu’à l’époque où il suffisait d’appeler le média, ajoute Daniel Matte.
Jean Gosselin ajoute aussi un autre conseil :
Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas la porte-parole officiel que vous n’êtes pas porte-parole. Toute personne en contact avec les médias est un porte-parole. C’est pareil sur les réseaux sociaux. Ce que vous dites doit donc être en ligne avec les messages officiels. »
Quelques exemples concrets
La conférence s’est terminée par quelques exemples concrets, analysés par ces professionnels de la gestion de crise.
Si tout le monde s’accorde à dire que celle de Desjardins fut plutôt bien gérée, ce ne fut pas le cas d’United Airlines, en 2017, qui a sorti manu militari un passager à cause du manque de place dans l’avion. Pour Daniel Matte, l’erreur est le manque d’empathie et de sympathie dès le départ de la direction qui… sa salué à l’origine la décision des employés avant de reculer.
Du côté des bons exemples, Jean Gosselin évoque le cas de la crise de la listériose de Mapple Leafs en 2008, qui avait provoqué une vingtaine de décès.
Cette crise était mal barrée au départ. Mais la président de Mapple Leaf a pris le contrôle ensuite. L’entreprise a admis ses torts et compensé les victimes. Ce fut une décision de communication et d’image qui a coûté une vingtaine de millions de dollars mais qui est plus à considérer comme un investissement qu’une dépense. Ce président avait d’ailleurs dit que, s’il avait écouté ses avocats et ses comptables, il ne serait pas devant les journalistes en train de s’expliquer ».
Toute la différence entre le tribunal de l’opinion et celui de la justice. Et au final, plus de vingt ans plus tard, Mapple Leaf a conservé son droit d’opérer et, selon M. Gosselin, on ne s’en rappelle plus ce qui est le signe d’une crise bien gérée.
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