Coronavirus : 5 considérations légales à prendre en compte pour les entreprises en temps de pandémie Reviewed by Philippe Jean Poirier on . Marie-Krystel Ouellet (courtoisie) : "Différentes mesures peuvent être mises sur pied par les employeurs, notamment l’adoption ou la mise à jour d’une politique Marie-Krystel Ouellet (courtoisie) : "Différentes mesures peuvent être mises sur pied par les employeurs, notamment l’adoption ou la mise à jour d’une politique Rating: 0

Coronavirus : 5 considérations légales à prendre en compte pour les entreprises en temps de pandémie

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Marie-Krystel Ouellet (courtoisie) : « Différentes mesures peuvent être mises sur pied par les employeurs, notamment l’adoption ou la mise à jour d’une politique de prévention des maladies infectieuses. »

13 mars 2020

Pendant que les scientifiques cherchent un vaccin contre le nouveau coronavirus (COVID-19), le virus continue de gagner du terrain dans plusieurs pays – si bien que l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré, le 11 mars, une situation de pandémie mondiale. Donc, même si le risque de contamination demeure « faible » au Canada – pour la population en générale -, les entreprises doivent commencer à s’y préparer sérieusement, ne serait-ce que pour comprendre leurs responsabilités légales en temps de pandémie.

1. Protection de la santé et sécurité

Dans le dossier du coronavirus, la première obligation de l’employeur est de veiller à la protection de la santé et la sécurité de ses employés.

L’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoit que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de ses employés, entre autres en appliquant des mesures de contrôle à la source ou encore en fournissant des moyens et des équipements de protection individuels, explique Marie-Krystel Ouellet, CRHA, avocate chez Norton Rose Fulbright. Différentes mesures peuvent être mises sur pied par les employeurs, notamment l’adoption ou la mise à jour d’une politique de prévention des maladies infectieuses. »

Marie-Krystel Ouellet, courtoisie

Une telle politique prévoit les normes minimales à appliquer en cas de pandémie ou d’épidémie, que ce soit lors d’une éclosion d’influenza ou d’une situation comme le COVID-19. L’avocate nous donne des exemples de mesures à inclure dans cette politique :

  • Formation des employés sur les bonnes pratiques d’hygiène;

 

  • Entretien sanitaire des lieux;

 

  • Application d’une distanciation sociale, par exemple en diminuant la fréquence des réunions et des voyages d’affaires, en tenant un registre des destinations de voyage des employés et en limitant l’accès aux employés ou clients symptomatiques sur les lieux de travail;

 

  • Etc.

Un plan de continuité d’activités peut également être mis en place par les employeurs afin de maintenir les opérations de l’entreprise, comme nous vous l’expliquions sur Isarta récemment.

Dans la situation actuelle, le devoir de protéger la santé et la sécurité des employés implique de suivre les recommandations de l’Agence de la santé publique du Canada en demandant aux employés ayant voyagé dans une zone à risque ou ayant été en contact avec une personne contaminée d’observer une quarantaine de 14 jours à la maison, puis d’exiger un billet médical avant de les réintégrer au travail. [NDLR: mesure en date du 11 mars 2020]

2. Respect de la vie privée

Pendant que les employeurs s’enquièrent de la santé de leurs employés, ils doivent toujours garder en tête que ces derniers ont aussi le droit au respect de leur vie privée.

Le droit à la vie privée est un droit fondamental, prévu entre autres dans la Charte des droits et libertés de la personne, précise Marie-Krystel Ouellet. Le meilleur conseil aux employeurs est de faire preuve de la plus grande discrétion lorsqu’ils traitent des renseignements communiqués par des employés en lien avec le COVID-19, ou toutes autres conditions médicales.  »

Que faire si un employeur apprend qu’un employé présentant un risque de contagion a été sur les lieux de travail avant de se mettre en quarantaine? Peut-il prévenir les autres employés de la situation?

Rappelons que la confidentialité peut être levée de façon explicite. L’employeur peut donc demander à l’employé s’il accepte que l’on communique l’information et, idéalement, obtenir son accord par écrit », suggère l’avocate.

Philippe Bélisle, avocat chez Langlois, abonde dans le même sens :

Dans un contexte comme celui-là, on peut s’attendre à ce que les employés soient compréhensifs et divulguent d’eux-mêmes s’ils sont à risque de contamination. C’est un enjeu de santé publique. Et tout le monde comprend l’ampleur de la situation. »

Philippe Bélisle, avocat chez Langlois

Parmi les scénarios à considérer, Me Bélisle évoque la possibilité de ne pas nommer spécifiquement les employés en quarantaine, mais plutôt de décrire la situation générale et de demander aux collègues concernés d’être attentifs aux symptômes.

C’est une manière, explique-t-il, de préserver la confidentialité des informations, tout en nommant le risque et en prenant les mesures de santé adéquates.

Marie-Hélène Jetté, avocate associée chez Langlois, ajoute ceci :

Il se peut qu’il y ait des situations où l’employeur ait à choisir entre deux maux [protéger la santé ou la vie privée] et décide de privilégier la santé et sécurité des employés. De manière générale, il est admis que, en cas d’impasse, la santé publique prime sur le droit à la vie privée. »

Marie-Hélène Jetté, avocate associée chez Langlois

3. Droit à la dignité

Quand un employeur applique ses mesures de contrôle, il doit éviter de cibler des employés sur la base de leur nationalité:

On peut s’informer de l’état de santé d’une personne si on a des motifs raisonnables de penser qu’elle présente un risque : c’est-à-dire, si elle a voyagé dans une zone à risque ou a été en contact avec une personne contaminée, explique Me Jetté. Or, si on demande aux employés d’origine chinoise ou asiatique de rapporter un billet médical pour prouver qu’ils sont aptes à travailler, ça n’a aucun sens. On tombe dans la discrimination. »

4. Refus de travailler

Si les cas se multiplient au Québec, on peut s’attendre à ce que des employés anxieux refusent de rentrer au travail, et ce, même s’ils ne présentent eux-mêmes aucun risque.

Pourront-ils alors évoquer le « droit de refus » prévu dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail ?

Pour qu’un employé puisse exercer son droit de refus, explique Me Bélisle, il faut qu’il y ait certaines conditions qui soient remplies [NDLR: voir les conditions ici]. On ne peut pas simplement dire qu’il y a une pandémie, que j’ai un collègue chinois et que mon milieu de travail n’est pas sécuritaire… On doit avoir des motifs raisonnables de craindre pour sa santé et sécurité. Et ces motifs doivent être en concordance avec les recommandations des autorités de santé publique. »

5. La rémunération par temps de quarantaine

Que faire si les absences se multiplient? Faut-il, en tant qu’employeur, rémunérer des employés qui s’absentent du travail parce qu’ils observent une quarantaine ou viennent en aide à un proche ?

Un employé qui ne peut travailler en raison de son état de santé ou de l’état de santé d’un proche qui présente des symptômes du COVID-19 pourrait avoir droit à un congé rémunéré ou non, selon le cas, mais le tout sera traité en conformité avec les politiques en vigueur chez l’employeur ou la convention collective. L’employeur doit analyser la situation au cas par cas lorsqu’il est question de rémunérer ou non le congé. »

Voir ici une liste des congés prévue par la loi.

Si le télétravail n’est pas possible, et que l’employé n’est pas en mesure de réclamer des congés prévus dans son organisation ou en vertu des normes du travail, cette absence se fera sans salaire, précisent cependant Mes Jetté et Bélisle. Nous ne voyons aucune obligation pour l’employeur de rémunérer un employé en quarantaine qui ne peut travailler. »

 

Sources officielles pour suivre l’état de la situation :



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