Créer un lien humain, la clé en rédaction philanthropique Reviewed by Pascal Pelletier on . Toutes choses étant égales, les gens achèteront toujours à leurs amis. Toutes les choses n’étant vraiment pas égales, les gens achèteront quand même à leurs ami Toutes choses étant égales, les gens achèteront toujours à leurs amis. Toutes les choses n’étant vraiment pas égales, les gens achèteront quand même à leurs ami Rating: 0

Créer un lien humain, la clé en rédaction philanthropique

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Toutes choses étant égales, les gens achèteront toujours à leurs amis. Toutes les choses n’étant vraiment pas égales, les gens achèteront quand même à leurs amis. »

– Mark McCormack, International Manager Group.

Quand vous voulez être ou paraître proche de quelqu’un que vous connaissez peu ou pas, lui serrez-vous la main avec un gant autour de la vôtre? Ou depuis une estrade alors que cette personne se trouve plus bas? Ou en disant à cette dernière : « Bonjour, individu! » Ou encore en employant un langage guindé? Si les réponses à ces questions vous semblent évidentes, lisez bien ce qui suit.

Naviguez au hasard sur le Web ou lisez les publireportages de votre magazine préféré. Vous constaterez alors la quantité inouïe de communications qui négligent d’employer cette clé essentielle qu’est la proximité entre les organisations concernées et leurs cibles. Tant de sites Internet s’adressent au neutre, et non à vous : « Unetelle inc. fabrique des logiciels pour hôteliers », au lieu de « Vous exploitez un hôtel et cherchez à gagner temps et argent pour vos réservations? Les experts d’Unetelle peuvent vous aider. »

Avez-vous noté que, dans cette dernière phrase, j’ai laissé tomber le inc. après le nom de l’entreprise? Parce que cette mention, purement juridique, est non seulement inutile pour établir la crédibilité, contrairement à une idée reçue, mais aussi nuisible pour contribuer à forger une proximité. Vidéotron ou Tim Hortons n’ont pas besoin de me parler pas en inc. ni en ltée ni en enr. pour tenter de me séduire.

Parce que ce sont de grandes entreprises? Pas du tout : je travaille comme travailleur autonome sous mon propre nom, et plus de 200 clients par année me font confiance pour mes services de concepteur-rédacteur ou de formateur, même si je ne suis ni enr., ni inc., ni ltée… Depuis quand les termes juridiques créent-elles de la confiance et de l’intimité?   

J’ai lu pire récemment. Dans un site de fondation, à la page « Donnez », on demandait d’encourager « la personne morale qu’est notre fondation ». Une telle mention n’a pas sa place ici, alors qu’il faut plutôt susciter la générosité des donateurs éventuels, et cela par l’émotion, un témoignage de bénéficiaire des dons ou de l’information précise sur l’emploi de ceux-ci.

Avez-vous noté cette autre différence : « Les experts d’Unetelle peuvent vous aider » au lieu de « Unetelle peut vous aider »? Elle s’explique facilement : il est prouvé que les gens préfèrent faire affaire avec des personnes plutôt qu’avec des entités abstraites comme des entreprises.    

C’est pourquoi, pour établir de la proximité, écrivez au vous, pas à des clients, des utilisateurs, des donateurs, etc., et mettez en valeur les gens de votre organisation le plus possible. Mieux encore : écrivez à des amis, ce qui demande toutefois du doigté.       

En effet, même si, avec les réseaux sociaux, le mot ami n’a jamais été aussi galvaudé – et je vous prédis que ça changera –, vos communications ne s’adressent pas seulement à des personnes qui méritent tous ce statut. En communication interne, tous les membres de votre entreprise, même ceux que vous ne connaissez pas, sont vos amis. Les personnes qui ont déjà acheté chez vous ou donné de l’argent à votre cause le sont aussi. Mais pas les clients ou donateurs éventuels. 

Joddi fait l'aumône

Par conséquent, avec ces derniers, ne faites pas comme s’ils l’étaient. Ainsi, en marketing direct, dans la formule d’appel d’une lettre, le mot Cher ou Chère devant le nom d’une personne qui n’a jamais transigé avec votre entreprise ou votre fondation peut indisposer ce ou cette destinataire, qui verra cette mention comme une basse flatterie. 

En outre, ainsi que l’a indiqué le grand publicitaire Bill Bernbach, « en communication, la familiarité entraîne l’apathie ». Ami, d’accord, mais qui mérite un langage respectueux et, sauf s’il a moins de 16 ans, le vouvoiement.

Il faut donc viser un équilibre entre le « trop amical » et le « trop guindé », éviter autant un style relâché, qui risque de discréditer l’émetteur, qu’un froid vocabulaire cérémonieux – équivalant à parler depuis une estrade. Dans le même ordre d’idées, méfiez-vous des indigestions d’interjections et de points d’exclamation. 

Je répète souvent dans mes chroniques combien il importe de se mettre à la place de la cible. Or, si j’ai alors posé ce principe comme moyen de bien comprendre les besoins de clients, je le mentionne ici comme procédé textuel dans les communications. « Vous en avez assez des photocopieurs qu’une feuille suffit à enrayer? Nous aussi, nous n’en pouvions plus. C’est pourquoi nous avons conçu ce mécanisme… » « Si j’étais, comme vous, un important donateur à notre cause, je voudrais que mes dons soient faciles. C’est pourquoi je vous propose le don mensuel, entièrement automatisé… »    

Ce procédé est aussi extrêmement efficace dans les réponses aux plaintes. Pour vous en convaincre, comparez « nous sommes désolés des inconvénients que vous avez subis » à « en imaginant un instant la situation que vous avez vécue, nous comprenons parfaitement les dommages qu’elle vous a causés et le bien-fondé de votre plainte ».

Comment créer de la proximité avec des donateurs pour des causes lointaines   

Nos émotions s’engourdissent devant des tragédies qui se déroulent à grande échelle ou à distance ».

– Paul Slovic.

Ce Paul Slovic est professeur de psychologie à L’Université de l’Oregon. Il a passé 50 ans à étudier les émotions qui influencent nos décisions, et notamment les mécanismes psychologiques qui suscitent suffisamment la générosité individuelle pour la transformer en don pour une cause.

L’une des conclusions du professeur Slovic est que les donateurs sont plus sensibles aux causes visant une population proche sur le plan géographique qu’à celles concernant des gens de pays éloignés, surtout si ces causes ont pour but d’aider des victimes d’immenses catastrophes. 

Quand l’œuvre est locale, il est facile d’invoquer la proximité : « Ces personnes démunies vivent dans votre ville, votre quartier… » Mais comment jouer cette carte pour des causes plus lointaines?

Le procédé le plus courant est la comparaison. À défaut d’une proximité physique, on en choisit d’autres, en invoquant toutes les ressemblances possibles entre les personnes que l’organisme cherche à aider et le donateur. Comme le montrent les exemples ci-dessous, cette ressemblance peut être numérique ou avoir trait au mode de vie, à l’âge, à l’environnement, etc.

Ce tremblement de terre a dévasté une petite banlieue-dortoir de quelques dizaines de milliers d’habitants, au bord d’un fleuve. C’est comme si Saint-Lambert, sur la Rive-Sud de Montréal, avait été rayé de la carte…

Avant cette guerre, ces gens faisaient comme vous: ils travaillaient, s’occupaient de leur famille, se divertissaient la fin de semaine…

Tous ses enfants ont moins de 10 ans et aucun ne va à l’école – une situation que vous ne toléreriez pas pour les vôtres, si vous êtes parent.

Malheureusement, la population n’a pas l’argent pour se procurer le vaccin qui guérirait facilement cette maladie évitable. Vous et moi avons cet argent… et pas cette maladie! 

C’est un peu comme si, ne pouvant pas transporter le donateur dans ces régions lointaines, on lui amène celles-ci en les transposant dans sa réalité. Mais, comme le montrent les exemples précédents, il faut être concret, particulier, et ne pas tomber dans les généralités ni dans l’abstraction. Je doute de l’efficacité d’un argumentaire basé sur « La pauvreté dans le monde nous concerne tous » ou sur « faites-leur un don parce que nous sommes tous frères ».

Autre procédé à employer aussi avec prudence : l’empathie. On demande donc au donateur de s’identifier à l’une des personnes que l’organisme veut aider. C’est le fameux « imaginez-vous à sa place ». Encore faut-il que cette place ne soit pas insoutenable ni présentée comme telle, au risque d’effrayer le donateur. Personne n’a envie de s’imaginer cancéreux en phase terminale ni défiguré par la sclérodermie…

Aussi, dans les textes de sollicitation que j’ai écrits pour la Société canadienne du cancer, je me suis souvent permis d’indiquer une identification indirecte : « Le cancer touche une personne sur trois. Aussi, personne n’est à l’abri de ce fléau. Je suis sûr que vous connaissez des gens qui en sont atteints. » Et je suis sûr aussi, évidemment, que le lecteur se reconnaît comme victime potentielle. Mais j’ai eu la prudence, la politesse et la délicatesse de ne pas lui mettre le cancer dans la peau…

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