La ponctualité est-elle une valeur en perdition au travail ?
16 septembre 2019
À une époque où tout le monde court après son temps, personne ne s’offusque d’apprendre qu’un employé est arrivé en retard au travail, surtout s’il a une bonne raison. Réactions de certains professionnels.
Depuis quelques années déjà , on observe un relâchement des travailleurs au niveau de la ponctualité. Si on se fit aux sondages annuels de CareerBuilder sur la ponctualité, le pourcentage d’employés américains qui arrivent en retard « une fois par mois » a oscillé autour de 25 % de 2012 à 2018. Avec parfois des excuses bien farfelues !
Au Canada, un sondage Accountemps de 2017 a révélé que seulement 28 % des Milléniaux étaient « toujours à l’heure » contre 55 % d’assidus chez les 55 ans et plus.
De plus, une part significative de gestionnaires et d’employeurs choisissent de lâcher prise dans ce dossier. Toujours selon Accountemps, 65% des employeurs disent que les retards occasionnels les laissent indifférents, tant qu’il ne s’agit pas d’une habitude.
Et dans un sondage de CareerBuilder de 2017, 18% des employeurs vont jusqu’à dire que la ponctualité leur importe peu… tant que l’employé livre la marchandise !
Remettre les pendules à l’heure
Le Québec – et plus largement l’Amérique du Nord – a pourtant la réputation de porter la ponctualité en haute estime. Pour s’en convaincre, il suffit de lire ce message du site Immigrant Québec destiné aux nouveaux arrivants :
Au Québec, la ponctualité est de mise. Une réunion prévue à 9h démarre effectivement à l’heure annoncée, ce qui implique que les participants sont arrivés une dizaine de minutes avant afin de prendre place et de récupérer les documents de travail mis à leur disposition. »
Elsa*, 36 ans, une rédactrice qui a roulé sa bosse sur le marché québécois, rigole en entendant cela.
Oh my God ! J’ai travaillé dans toutes sortes d’organisation et je peux dire que c’est loin d’être la norme ! Moi, je suis très ponctuelle : mais être à l’heure, c’est être 5 minutes en avance… gros maximum ! »
Quand on lui pointe que les Milléniaux sont plus en retard que leurs aînés, elle n’en croit rien :
Je ne pense pas du tout que ce soit un enjeu propre aux Milléniaux. Je connais une directrice qui n’est JAMAIS à l’heure pour aucune de ses rencontres, sauf lorsque ses supérieurs à elle sont concernés. Je remarque d’ailleurs que certains supérieurs hiérarchiques choisissent d’ignorer leur agenda dès qu’il s’agit de rencontrer leurs équipes. »
Changement de valeurs
Sans dire que la société québécoise a perdu tout sens de la ponctualité, on peut cependant admettre que la ponctualité en elle-même n’est plus valeur cardinale qu’elle a été.
Jusqu’aux années 70-80, les gens étaient majoritairement payés à l’heure, explique Joanne Greene, professeure de gestion. Ils étaient payés pour être là . De nos jours, on assiste à un virage vers la productivité qui se répercute dans la pratique du leadership : on est passé d’un mode de gestion centrée sur le temps à un mode de gestion centrée sur les résultats. »
L’autre grand changement de société qui s’est produit est le rapport de la génération Y avec l’autorité.
Dans ma génération, les X, comme celle des Boomers, on a été habitué à respecter l’autorité, observe Pascale Dufresne, coach en leadership. Mais je regarde nos enfants et leur notion de l’autorité n’est pas du tout la même. Arriver à l’heure, d’accord… mais seulement si ça fait du sens pour eux ! Ils n’obéissent pas à une règle de ponctualité juste pour y obéir. »
Pas de pitié pour les retardataires !
Elsa n’achète pas de telles excuses.
C’est juste une question de manque d’organisation, rétorque-t-elle. Si un de mes employés avait le malheur d’être en retard, il serait vite remis en place ! »
*L’intervenante a demandé l’usage d’un nom fictif, pour pouvoir s’exprimer plus librement.
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