Le balado face à « la guerre de l’attention »
6 septembre 2023
Il y a deux ans, nous avions parlé podcast avec Stéphane Berthomet, le président de Go-script média. À ce moment, le producteur audio nous avait dit que le balado et la vidéo devaient demeurer deux médiums « séparés », pour ne pas courir le risque de se dégrader l’un et l’autre. Nous lui avons demandé s’il maintenait cette position, à une époque où Spotify permet le combo balado-vidéo avec l’exemple notoire de Joe Rogan. Et bien sûr, nous avons élargie la conversation sur l’état de la baladodiffusion en 2023. Entrevue.
Isarta Infos : Est-ce toujours un sacrilège, selon vous, d’allier balado et vidéo, comme c’est courant de le faire sur YouTube, où l’on se filme en mode entrevue ou conversation?
Stéphane Berthomet: Je comprends qu’il y ait des podcasters qui se filment en même temps de produire leur balado. Ils veulent être connus, être vus, être écoutés, alors ils vont chercher à exister sur un maximum de plateformes…
Pour ma part, je continue de défendre l’idée qu’il s’agit de deux médiums différents, qui ont chacun des techniques particulières et qui demandent un savoir-faire et des compétences particulières. Mélanger le balado et la vidéo, pour moi, c’est problématique. Surtout pour un médium comme le balado, qui cherche à exister à part entière.
Qu’est-ce que vous trouvez problématique, précisément ?
S. B. : Quand Spotify décide de suivre l’exemple de YouTube, en permettant la vidéo, on est dans une guerre de l’attention. C’est sûr que, en ajoutant une vidéo, ça capte plus facilement l’attention de l’auditoire. On voit ce même phénomène sur TikTok, avec cette tendance à ajouter une seconde vidéo, qui montre une voiture qui franchit des obstacles, simple pour maintenir l’attention des utilisateurs. La guerre de l’attention, on sait où ça mène. Ça rabaisse la qualité du contenu, tout le temps, tout le temps, tout le temps…
Si on se déplace du côté du balado en tant qu’outil marketing. Est-ce toujours aussi pertinent pour faire connaître sa marque ? Quelles sont les tendances à cet égard?
S. B. : En contenu de marque, il est aujourd’hui essentiel pour les entreprises qui font leur propre balado de publiciser leurs contenus. Il y a beaucoup de marques qui font affaire avec des producteurs qui créent de très bons balados pour elles; or, celles-ci n’investissent pas les montants suffisants dans le marketing, dans la visibilité et la découvrabilité de leur balado.
En France, j’ai eu des discussions avec des interlocuteurs de l’univers de la publicité de marque qui investissent jusqu’à 30-40% du budget d’une balado dans la publicité. Autrement, ils ont beaucoup de mal à faire découvrir leur contenu.
En tant que véhicule publicitaire, le balado semble prendre du galon, avec les publicités insérés en programmatique ou le «host reading». Si une marque veut s’afficher dans l’univers audio, quels sont les balados les plus intéressants ?
S. B. : Les balados de divertissement rejoignent un très large public : tout ce qui touche à l’humeur, le «true crime», les discussions politiques ou le style de vie. Toutefois, le bassin de balados pouvant porter le message d’une marque est beaucoup plus large que cela.
Il y a des petites marques qui peuvent être intéressées par un podcast qui a une portée de 2 000 ou 3 000 écoutes par mois, qui traitent exactement du même sujet et qui sont dans la même niche que eux. Par exemple, une entreprise qui fait de la torréfaction de café peut s’annoncer sur un balado qui s’adresse à des mordus de café. Une entreprise qui fait des produits écoresponsables peut s’allier à une émission sur le thème de l’environnement. L’important pour une marque, c’est que l’auditoire partage un intérêt commun et ses valeurs.
Sur Linkedin, il semble aujourd’hui que chaque coach, solopreneur ou consultant ait son propre balado. Comment vois-tu cette tendance ?
S. B. : Quand on est solopreneur, on essaie d’être présent sur la plupart des plateformes, incluant l’univers audio. Donc, c’est normal qu’ils cherchent à exister de ce côté-là. Personnellement, je trouve que c’est une bonne chose. Et j’y participe à ma manière, en ayant créé un podcast personnel, qui s’appelle le Podcastologue, où je parle de l’industrie du podcast.
Quelle fonction a ce balado pour toi ? Est-ce pour attirer de nouveaux clients ou élargir ton réseau de collaborateurs ?
S. B. : Pour moi, ça se fait dans un esprit de partage. La communauté du podcast est une communauté vraiment cool et très ouverte. En tant que membre de cette communauté, je me sens la responsabilité de partager mon expérience et de faire une veille des nouvelles tendances. Je teste des outils et guide les gens dans leur production.
Ça m’apporte aussi beaucoup – des gens me contactent, de grandes compagnies me demandent de participer à mon balado, pour parler de leurs initiatives dans l’univers audio. Ça augmente ma notoriété à l’étranger, notamment en France sur l’univers du podcast. Ça m’offre des invitations dans des salons sur le sujet. Donc, c’est un outil de visibilité qui est vachement important pour un solopreneur. Mais ça demande beaucoup de travail!
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