Les 3C : voici la culture d’entreprise qu’il faut instiller pour faire face au futur du travail
Par Kévin Deniau
30 octobre 2019
Lors du sommet Performance 2019, le chercheur et consultant Jean-François Bertholet s’est intéressé à trois dimensions déterminantes pour les entreprises à l’avenir : la créativité, la conscience et la communauté. Compte-rendu.
Jean-François Bertholet, consultant en développement organisationnel et chargé de cours à HEC Montréal, avait pour lourde tâche de clôturer le Sommet Performance 2019, organisé par le cabinet de service-conseils Proaction International le 23 octobre dernier, et dont nous vous parlions récemment.
Après une journée entière de conférences dédiées aux gestionnaires, il fallait du dynamisme pour captiver l’attention de l’auditoire… ce dont ne manquait pas ce spécialiste de la reconnaissance, de la mobilisation et du climat de travail ! Son intervention avait pour but d’aborder le futur du travail.
Agilité, mobilisation, engagement, innovation , résilience… autant de buzzwords qui sont demandés par les entreprises à leurs gens pour survivre dans cette jungle. Honnêtement, la personne que vous cherchez, c’est Jésus ! C’est dommage, je crois qu’il n’est pas disponible, surtout dans ce contexte de pénurie de main d’oeuvre, » lance d’emblée celui qui est également auteur pour la revue Gestion et Les Affaires.
Jean-François Bertholet évoque alors les « 3 C » pour s’en sortir. Voici à quoi ils correspondent.
Créativité : avez-vous une « Popsicle Hotline » ?
Le premier C est la créativité. L’intervenant cite en exemple un hôtel à Los Angeles : le Magic Castle Hotel. Ce dernier fait partie des mieux classés de la ville sur TripAdvisor. Son élément différenciateur ? Il possède une « Popsicle hotline » !
La question à se poser c’est, est-ce qu’il est possible d’amener une « popsicle hotline » dans votre entreprise ? Est-ce que la personne qui propose l’idée se fait féliciter ou virer ? », demande-t-il.
Pour lui, la rationalité amène des conclusions, l’émotion, des actions. Autrement dit, une culture d’entreprise favorable à la créativité est une culture où l’on s’amuse.
Pourquoi les enfants ou les animaux jouent à votre avis ? Pour apprendre ! Attention par contre au fake fun, il faut que cela soit naturel quand même, » dit-il en montrant l’image d’un clown assis à son bureau.Â
Si la pensée convergente permet de trouver la meilleure solution (capacité à synthétiser et décider), la pensée divergente amène à trouver le plus de solutions (imaginer, déceler de nouvelles possibilités etc.). Et, selon lui, la vraie créativité se passe dans le ralentissement. Si une compagnie est dans une logique d’activation élevée, autrement dit d’agitation, la créativité ne bénéficiera pas d’un terreau favorable.
Conscience sociale : faire confiance à la nature humaine
Jean-François Bertholet évoque ensuite la notion de conscience. Et prend l’exemple d’un pilote de Wesjet qui, en février 2017, prend la décision d’acheter des pizzas pour des clients… d’Air Canada ! Ces derniers, déroutés à cause du mauvais temps, attendaient en effet leur prochain vol mais n’avaient aucune solution pour manger… avant qu’un employé de la compagnie concurrente n’arrive avec des pizzas : « Salut les gars, je suis de WestJet et nous faisons les choses différemment, est-ce que vous voulez de la pizza? » avait-il lancé.
Il faut bien entendu parler du geste de cet employé. Mais aussi de l’environnement de son entreprise qui lui a permis de le faire. Est-ce que mon boss trouverait bien que je fasse une chose pareille ? » demande-t-il.
Pour étayer l’importance de la conscience sociale d’une entreprise, il cite aussi une étude récente de quatre chercheurs d’universités américaines et suisses. Ces derniers ont volontairement perdu 17 000 portefeuilles dans 40 pays afin d’évaluer la propension des personnes à  contacter le propriétaire du portefeuille pour lui retourner. Le taux de retour ? 75 % !
Encore plus surprenant, les chercheurs avaient « perdu » des portefeuille sans argent, avec environ 15 $ et avec environ 120 $. Et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, plus il y avait d’argent dans le portefeuille… et plus ils étaient ramenés !
C’est une bonne nouvelle sur la nature humaine. On apprend pourtant l’inverse à l’école avec le concept d’homo economicus. L’humain est en fait beaucoup mieux qu’on ne le pense. »
Le chercheur se demande alors pourquoi des gens laissent des avis sur TripAdvisor. Pour se plaindre ? Non, par altruisme pour aider la communauté. Et c’est la même chose dans le monde de l’entreprise avec Glassdoor, le site qui permet d’évaluer un employeur !
Je vois cela comme une bonne nouvelle. Cela veut dire que les bons employeurs vont sortir du lot. Si l’entreprise a une conscience sociale, l’information va circuler ! »
Communauté : le groupe influence la personne
Le troisième élément abordé est l’importance de la communauté. Il commence ce point par une question : si vous aviez une et une seule question à poser à un Dieu omniscient pour savoir combien de jours va s’absenter un nouveau salarié, quelle serait-elle ? Réponse : le taux de roulement de son équipe !
Les normes d’équipe prédisent beaucoup plus la réalité que la personnalité des éléments qui la composent. En gestion, on raisonne plus au niveau individuel alors que l’on devrait plus le faire au niveau de la communauté, » assure Jean-François Bertholet.
Illustration avec ces éleveurs de poules qui ont voulu mettre les meilleures pondeuses ensemble pour accroître leur production. Cette expérience fut un échec : cela a créé un effet de compétition néfaste. Ce qui fait dire au conférencier :
Ce n’est pas le meilleur joueur qu’il faut promouvoir, c’est la culture d’équipe ! »
Ce dernier revient même à l’expérience des portefeuilles. En réalité, le taux de retour dépend des pays et plus précisément de leur capital social et de l’indice d’injustice dans chaque pays. Preuve que la communauté influence notre décision.
Ainsi, vous aurez plus de chances de retrouver votre portefeuille au Danemark ou en Suède qu’en Italie ou en Israël…
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