« N’oublions pas que les médias sont aussi un produit local », Patrick Lauzon, un des initiateurs de NosMédiasLocaux.org
Par Kévin Deniau
Depuis l’émergence de la crise de la COVID-19, on parle de plus en plus d’achat local. Le lancement du Panier Bleu en est le symbole. Un nouveau mode de consommation qui n’est pas réservé qu’au commerce de détail. En témoigne le lancement récent de la plateforme nosmediaslocaux.org qui vise à promouvoir l’achat publicitaire local. Entrevue avec son initiateur, Patrick Lauzon.
Ce dernier, ancien exécutif chez Bell, Pages Jaunes ou Québecor, se concentre aujourd’hui sur l’optimisation des revenus des médias locaux en tant que président du conseil de m32 Connect.
La crise actuelle l’a beaucoup fait réfléchir et a agi un comme un déclencheur :
On a vu des entreprises se réinventer avec succès, grâce notamment aux médias locaux. Personne n’aurait su en effet que telle ou telle compagnie s’était mise à faire des masques ou des nouvelles productions pour répondre aux besoins actuels si les médias locaux n’avaient pas couvert ces histoires. Car ce ne sont pas Google ni Facebook qui ont parlé d’elles… » indique-t-il.
Ces médias locaux trouvent une bonne partie de leur revenu dans la publicité et notamment sur le Web qui, entre 2009 et 2018, est passé de 21 % à 59 % des investissements médias canadiens, selon IAB Canada.
Un « Panier Bleu des médias québécois »
Le problème : si la plupart des investissements traditionnels restent dans l’économie canadienne, ceux sur le Web se font à 86 % sur des plateformes étrangères, selon la même source. Autrement dit, pour 100 $ dépensés en publicité sur le Web, seulement 14 $ se retrouvent dans la poche d’un média canadien ou québécois. Et la tendance ne va pas en s’améliorant…
Si on n’a plus ces médias locaux, on met directement à risque notre information, notre culture et notre économie locale, » s’inquiète Patrick Lauzon.
Pour lui, la crise doit jouer un rôle d’électrochoc et impulser de nouveaux réflexes au sein de l’industrie publicitaire. D’où le lancement de l’initiative collective (12 personnes ont travaillé dessus bénévolement) nosmedialocaux.org, un « Panier Bleu des médias québécois ».
Nous, on aide les éditeurs à mieux monnayer leur audience sur le numérique. Il fallait donc faire quelque chose pour nos clients car si ils meurent, on n’a plus de revenus non plus ! L’objectif, c’est vraiment de rassembler tout le monde car même les agences ne connaissaient pas tous les médias québécois. Nous avons donc fait un répertoire de tous les médias d’ici pour que les agences réalisent l’inventaire qui est disponible, » explique-t-il.
Avant d’ajouter :
Dans la situation actuelle, c’est comme si on importait 86 % de nos médias au Québec… pour mieux rejoindre les québécois ! C’est assez ridicule, non ? »
Plus un problème de simplicité que de rentabilité
Le Panier Bleu se voit reprocher le fait de n’être que un botin et de ne pas permettre de transactions en ligne. Qu’en est-il pour #NosMediasLocaux qui revendique plus de 400 médias inscrits ?
C’est en effet une première étape, répond Patrick Lauzon. Il faut bien admettre qu’il y a des bonnes raisons qui expliquent le recours systématique à Facebook et Google. Mais il faut retrouver un meilleur équilibre pour mieux supporter nos médias locaux. »
Le problème, selon lui, ne vient pas de la rentabilité de l’investissement publicitaire. Comme l’expliquait le président de Touché! sur Isarta Infos, il est aussi voire plus rentable d’investir dans des médias d’ici que sur les plateformes américaines.
Mais plutôt de trois autres enjeux :
- La simplicité
Il est plus simple d’acheter sur Facebook ou Google qui ont une place de marché électronique. Pas besoin d’interagir avec une personne ou d’attendre des délais. »
- Les critères de sélection des audiences qui sont plus difficiles à faire avec les médias d’ici
- Et enfin, les rapports analytiques
Quand la campagne est roulée, tu as des beaux rapports détaillés qui te démontrent la valeur et la mesure d’attribution de ta campagne sur les plateformes américaines »
Pour lui, les médias traditionnels doivent ainsi trouver des solutions pour simplifier leur processus d’achat.
Quand on parle de passage au commerce électronique, cela vaut aussi pour eux ! En tout cas, on croit que c’est la direction qu’il faut prendre, » lance-t-il.
La deuxième étape est elle plus complexe encore à mettre en place : faire une place de marché québécoise !
D’un côté, on doit interférer avec 400 médias pour son achat média et de l’autre, on a une interaction avec un seul joueur. Donc il faudrait une collaboration entre les différents médias pour aider les agences. Elles sont prêtes à jouer le jeu, les performances sont similaires, donc il faut travailler sur cette simplicité et sur le reporting, » préconise Patrick Lauzon.
Un travail d’équipe
Cette initiative vient tout de même en parallèle de celle lancée par Hebdos Québec et de celle de l’A2C et du CDMQ qui ont lancé la semaine dernière le mouvement Média d’ici.
On a discuté plusieurs fois par semaine avec ces derniers car on a la même ambition. On s’est dit, faisons nos deux initiatives car nous avons une approche différente, » réagit Patrick Lauzon.
Ce dernier est en tout cas engagé dans une vaste campagne de sensibilisation pour changer les réflexes des entreprises. Il cite une compagnie très engagée dans le 100 % Québécois.
Son agence lui avait recommandée de mettre 50 000 $ exclusivement sur Facebook. Je lui ai dit que cette somme aurait très bien pu être dépensée chez Ricardo -dont Patrick Lauzon est au conseil d’administration- par exemple. Il n’a pas eu le réflexe de penser à ça et m’a dit : « Je n’avais pas réalisé que le média, c’est aussi un produit local ! » »
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