Pascale Dufresne : « Les leaders authentiques sont très performants et ont beaucoup d’impact dans un monde rempli d’ambiguïté et d’incertitude »
14 octobre 2020
La coach exécutive et auteure Pascale Dufresne vient de publier un nouveau livre pour aider les dirigeants à devenir plus « authentiques » dans la pratique de leur leadership.
Le livre s’intitule Oser être vrai dans un monde « faux ». Lorsqu’on plonge dans cette lecture, on comprend que le propos dépasse l’horizon du management.
Le livre s’adresse en fait à quiconque veut retirer son « masque social » et mettre de l’avant un ego plus vrai, plus personnel. Entrevue avec une coach passionnée par l’humain… et le storytelling!
Dans votre livre, vous présentez le parcours de trois personnages fictifs (Alain, Pierre et Suzanne) qui vivent une crise personnelle ou professionnelle, afin de nous guider dans les étapes qui mènent à une plus grande authenticité et une plus grande conscience de soi. Est-ce que ces histoires sont inspirés de vos clients?
Pascale Dufresne : Je me suis effectivement inspirée de ce que j’ai observé chez mes clients, au fil des années. Par le choix des histoires, j’ai voulu illustrer trois grandes stratégies réactives qui nous freinent dans notre authenticité, soit le conformisme, la protection et le contrôle.
[« Nous devons lâcher prise sur les stratégies que nous avons établies dans le but de conserver notre sentiment de sécurité externe, et agir en fonction de nos valeurs et nos besoins », écrit l’auteure.]
En introduction, vous mentionnez qu’une majorité d’adultes fonctionnent selon un mode « réactif » (58%), signifiant par là qu’ils agissent en fonction de normes sociales qu’ils ont apprises en société ou par leur éducation plutôt que de manière authentique. Selon une étude que vous citez, seulement 35% de la population parviendrait à se créer une vie en harmonie avec leurs valeurs intérieures. Observez-vous le même portrait chez les dirigeants?
Pascale Dufresne : Dans ma pratique, j’utilise le modèle de leadership CERCLE, basé sur des études comme celle du psychologue américain Robert Kegan, et j’observe les mêmes pourcentages.
Bien sûr, les leaders aimeraient dirent qu’ils fonctionnent selon un mode créatif, mais, dans la réalité, c’est 75% des leaders qui fonctionnent en mode réactif.
Cela étant dit, on n’est jamais 100% dans un seul mode. Il n’y a personne qui est toujours dans le non-jugement et la créativité pure, à l’exception des grands sages. On est toujours susceptibles d’adopter des comportements ou des stratégies réactives.
Quels sont les gains ou les avantages d’être un leader authentique?
Pascale Dufresne : En raison de la crise sanitaire, on est actuellement plongé dans un monde VICA (volatil, incertain, complexe, ambigu). Les leaders ne peuvent pas appliquer de recette ou de modèle éprouvé de leadership. Personne ne connaît la réponse pour se sortir de la crise.
Dans un tel contexte, le premier outil du leader, c’est lui-même. Les leaders authentiques sont très performants et ont beaucoup d’impact dans un monde rempli d’ambiguïté et d’incertitude, parce qu’ils ont les réponses en eux. Ils agissent selon leurs valeurs intérieures.
En même temps, une autre caractéristique qui sert bien les leaders authentiques en temps de crise, c’est leur capacité à ne pas tomber dans les dualités; dans le c’est vrai ou c’est faux, c’est noir ou c’est blanc.
Ils sont capables d’adopter une posture où, au lieu d’être dans le débat, ils sont dans le dialogue. Ils écoutent les diverses parties; ils tissent des liens. Ils sont sensibles aux divers points de vue. Selon ce que j’observe, les leaders qui agissent de cette manière sont ceux qui ont le plus bel impact en ce moment.
Lorsqu’on voit un homme comme Donald Trump devenir Président des États-Unis, en mentant, en tenant des propos incendiaires et en se réfugiant dans la pensée magique, ça peut donner l’impression que le leadership « authentique », ce n’est pas toujours payant… non?
Pascale Dufresne : Tout d’abord, il faut éviter de confondre authenticité et transparence. Ce n’est pas parce qu’on dit tout ce que l’on pense, sans discernement ni recul – comme Trump peut le faire – qu’on est un leader authentique. Un leader authentique va prendre le temps d’écouter les autres.
Ensuite, il est possible que, dans certains contextes toxiques, un leader qui n’est pas authentique puisse tirer son épingle du jeu. Il faut alors se demander si ce type de leadership est durable. Le manque d’authenticité engendre de la souffrance et de l’autodestruction.
Le leader authentique cherche à créer des connexions, il respecte les limites de chacun et il crée de la confiance autour de lui; en ce sens, je crois qu’il a un impact beaucoup plus positif à long terme.
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