Publicités en ligne : Amazon et Snapchat peuvent-ils déloger le duopole Google-Facebook ?
14 avril 2018
Pendant que Google et Facebook continuent de dominer outrageusement les recettes publicitaires numériques, Amazon et Snapchat poursuivent leur ascension en misant sur leur avantage concurrentiel – les données transactionnelles pour l’un et l’échange de contenu « éphémère » pour l’autre. Analyse.
Entendons-nous. Ce n’est pas demain la veille qu’Amazon et Snapchat vont détrôner le duopole Google-Facebook de sa position de tête des vendeurs de publicité numérique. Le site eMarketer estime que Google récoltera 39,92 milliards en revenus publicitaires numériques en 2018 (une augmentation 14,5 % par rapport à 2017) alors que Facebook génèrera la coquette somme de 21 milliards (une augmentation de 16,9 %).
Ensemble, le duopole Google-Facebook accaparera ainsi 56,8 % du total des revenus publicitaires numériques en 2018. Et le duopole possède de solides canons pour se maintenir au sommet des revenus publicitaires quelques années encore. YouTube rapporte à Google 4,43 milliards de revenus publicitaires numériques à lui seul. Instagram fait pour sa part entrer 5,4 milliards dans les coffres de Facebook. On constate toutefois un léger déclin des parts de marché de Google, à moyen terme. Le géant de la Silicon Valley passerait de 40,8 % en 2016 à des parts estimées de 36,3 % en 2020.
Facebook plafonne également, malgré l’apport d’Instagram.
La croissance du nombre d’utilisateurs de Facebook aux États-Unis a ralenti […], tandis que le prix des annonces du fil d’actualité ont probablement atteint leurs limites, a expliqué Monica Peart, directrice sénior des prévisions chez eMarketer, lors de la publication des prédictions. Pendant ce temps, Instagram – lequel augmente rapidement son bassin d’annonceurs – est devenu la locomotive qui soutient la croissance de Facebook dans son ensemble. »
De plus, le duopole se retrouve régulièrement sur la sellette pour la manière dont il gère les contenus politiques discutables (entendre : les fake news) et les données personnelles de ses utilisateurs. On a reproché à Google, YouTube et Facebook de favoriser par leur algorithme la propagation des « fake news » à de multiples occasions, y compris lors de la récente tuerie de Las Vegas.
Ces jours-ci, c’est Facebook qui est pointé du doigt pour avoir permis à Cambridge Analytica d’utiliser les données de 87 millions d’utilisateurs à des fins politiques partisanes (retrouvez ici les mesures prises par le réseau social depuis).
Amazon et Snapchat en forte croissance
Pendant ce temps, Amazon et Snapchat poursuivent une croissance fulgurante sur des terrains beaucoup moins minés que ceux sur lesquels Google et Facebook opèrent.
Amazon, qui concentre ses activités dans le commerce en ligne, affiche une croissance impressionnante de 63,5 % de ses revenus publicitaires numériques de 2017 à 2018. Ses parts du marché publicitaire numérique (2,7 %) et ses revenus estimés en 2018 (2 milliards) demeurent peut-être modestes, mais il faut garder en tête qu’il commence à peine à exploiter le plein potentiel publicitaire de sa plateforme.
Ensuite, Amazon peut compter sur une qualité de données uniques, plus fiables que celles de Facebook et de Google à certains égards. Il possède les données transactionnelles de ses clients; il connaît donc intimement leurs habitudes de consommation.
Amazon se retrouve en 5e place du classement des vendeurs de publicité numérique aux États-Unis, et il est sur la voie de devenir numéro 3 d’ici 2020 – dépassant Oath et Microsoft, annonçait Monica Peart sur le site eMarketer. Jusqu’à maintenant, il a été conservateur dans son placement publicitaire. Ça demeure donc une question ouverte à savoir quand Amazon tirera avantage de son accès étendu à des données riches de consommation, pour propulser le placement publicitaire dans ses autres secteurs d’activités. »
Snapchat affiche également une forte croissance de ses revenus publicitaires numériques, avec une hausse de 81.7 % de 2017 à 2018. Il atteindra ainsi des revenus publicitaires estimés à 1 milliard en 2018, ce qui équivaut à 1 % du marché.
En tant que média social, Snapchat se démarque de son concurrent Facebook par le caractère éphémère des échanges qui ont cours sur sa plateforme. Les photos, les vidéos et les conversations sont effectivement supposées « disparaître pour toujours » après un temps déterminé par l’utilisateur, même si cette notion a été contredite par la Federal Trade Commission, qui a forcé Snapchat à admettre qu’une copie des photos et des vidéos demeuraient accessibles sur le téléphone des utilisateurs.
Il n’en demeure pas moins que Snapchat connaît une grande popularité chez les ados et les adultes de moins de 24 ans. La raison ? Les jeunes ne veulent pas se retrouver sur le même média social que leurs parents, qui sont principalement sur Facebook.
eMarketer s’est penché sur le potentiel publicitaire de Snapchat, au début de l’année :
Plusieurs publicitaires demeurent sceptiques, mais le placement de produit sur Snapchat est alléchant pour certains en raison des possibilités créatives de ce média et d’une base de jeunes utilisateurs fortement engagés », selon l’article.
Dans tous les cas, eMarketer prédit que Snapchat dépassera Facebook en 2018 au chapitre des utilisateurs de moins de 24 ans. Pour ce faire, Snapchat ira chercher ses nouveaux utilisateurs directement dans la cour de Facebook :
Facebook perdra 2 millions d’utilisateurs de moins de 24 ans, prédit eMarketer. (…) C’est la première fois que eMarketer prédit un déclin du nombre d’utilisateurs de Facebook dans ce groupe d’âge au États-Unis. »
Rien n’est joué
Imaginons un instant qu’Amazon atteigne la pleine maturité avec ses services de placement publicitaire numérique et que Snapchat parvienne à consolider sa base générationnelle, à mesure que cette dernière accroit son pouvoir d’achat et devienne la cible privilégiée des annonceurs. La domination du duopole Google-Facebook pourrait alors être menacé.
Un autre géant « tranquille » pourrait également venir brouiller les cartes. Microsoft occupe la première position « non-duopole » du classement des vendeurs de publicité numérique, avec 12 % de parts de marché. Maintenant qu’il s’est repositionné avec le rachat du service de messagerie Hotmail (devenu Outlook) et le média social LinkedIn (qui vient de lancer ses publicités en format vidéo), l’avenir peut encore lui sourire. Il suffirait que les utilisateurs de Gmail et de Facebook se rebellent contre l’utilisation tout azimut de leurs données pour donner à Outlook et LinkedIn un tout nouvel attrait !
Graphique résumé de la situation, avec les acteurs Chinois Alibaba, Baidu et Tencent.
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