Recrutement : comment permettre aux personnes handicapées d’exprimer tout leur talent ?
20 février 2019
Quand on aborde l’enjeu de la diversité en entreprise, on oublie trop souvent que les personnes handicapées sont aussi touchées par cette question et qu’elles doivent faire l’objet d’une attention particulière pour faciliter leur intégration. Voici quelques idées.
Ceux qui ont en aversion les politiques de parité et d’accessibilité à l’emploi se font habituellement les défenseurs d’un système actuel qui, selon eux, récompense le mérite et la compétence avant toute chose.
Or, il appert que ce système comporte des failles. Une étude publiée en 2014 par l’Université de Carleton en Ontario a démontré que, avec un diplôme et un dossier scolaire comparable, les personnes handicapées avaient plus de difficultés que les personnes sans handicap à mener la carrière de leur choix.
Les débouchés sur le marché du travail pour ceux qui ont un handicap et ceux qui n’en ont pas ne sont pas du tout pareil, concluent les auteurs de l’étude. Pour le groupe d’anciens étudiants [que nous avons étudié], dont les accomplissements scolaires étaient sensiblement les mêmes que ceux sans handicap, l’intégration au marché du travail est plus faible et le taux de chômage est plus élevé. »
En 2017, le professeur Charles Bellemare de l’Université Laval a tenté une expérience qui a donné des résultats pour le moins troublants. Lui et son équipe ont envoyé des CV fictifs de personnes handicapées et sans handicap, et il s’est avéré que, à compétences égales, les personnes handicapées avaient été convoqué 54 % moins souvent !
Kim Auclair, fondatrice de Nitivi et auteur du livre Dans la tête d’une entrepreneure – mes débuts en affaires, n’est pas du tout surprise d’apprendre cela. Atteinte d’une surdité partielle, elle en a vécu les conséquences directes lors de son entrée sur le marché du travail:
Vers l’âge de 18-19 ans, quand j’étais à la recherche d’un emploi dans le monde des communications, je ressentais un blocage lorsque je rencontrais de nouveaux employeurs. Notamment à cause de ma voix, qui pouvait paraître étrange pour certains. J’étais pourtant très motivée. Je voulais avoir une chance. Je me suis plutôt tournée vers le Web pour me faire connaître autrement et me rendre où j’en suis aujourd’hui. »
Premier front : la sensibilisation
Pour Kim Auclair, c’est en sensibilisant davantage les employeurs que les personnes handicapées et malentendantes auront un meilleur accès au marché du travail.
Il y a encore beaucoup de préjugés. Certains employeurs croient à tort qu’embaucher une personne sourde ou malentendante occasionne beaucoup plus d’argent et de temps pour bien les intégrer. »
En fait, certains accommodements ne demandent pratiquement aucune ressource supplémentaire, comme de permettre à l’employé de conduire ses communications par courriel ou autres plateformes de messagerie. D’autres demandent un minimum de coordination: ça peut être aussi simple que de désigner une personne responsable d’aider la personne sourde au besoin, pour prendre le relais au téléphone ou l’accompagner lors de ses visites clients.
Il s’agit, finalement, d’être plus sensible à la réalité des personnes handicapées.
Les personnes sourdes ou malentendantes vont s’épuiser plus rapidement dans les discussions de groupes, illustre l’entrepreneure. Elles vont préférer les rencontres productives à celles où il est question de parler de la fin de semaine, qui demandent beaucoup plus d’énergies et d’attention. »
Cette sensibilité s’applique à tous les types de handicap. Par exemple, une personne quadraplégique appréciera de pouvoir travailler de la maison, en télétravail, dans certaines circonstances.
Deuxième front : revoir ses pratiques de recrutement
Une entreprise qui désire pleinement s’ouvrir à la diversité doit revoir ses pratiques de recrutement. Une première piste d’action est de revoir les exigences minimales demandées en termes d’année d’expérience.
Nous le disions en début d’article, les personnes handicapées détentrice d’un diplôme universitaire ont un taux de chômage plus élevé, et ce, malgré leur talent manifeste. Il est donc normal qu’elles aient cumulé moins d’année d’expérience qu’une personne sans handicap. On peut alors prendre en compte les compétences « transférables » et la capacité d’adaptation de la personne.
Ensuite, les entreprises ont naturellement l’habitude recruter dans des réseaux déjà bien établis, souvent homogènes. Si on veut embaucher des professionnels provenant d’un groupe sous-représentés comme celui des personnes handicapées, il faut sortir de sa zone de confort et tisser des liens avec des partenaires qui nous rapprochent des groupes visés.
À cet égard, il existe divers organismes d’intégration à l’emploi ou de soutien des personnes handicapés.
En voici quelques-uns :
- Le Regroupement des organismes spécialisés pour l’emploi des personnes handicapées (ROSEPH)
- L’Association des personnes avec une déficience de l’audition (APDA)
- Office des personnes handicapées du Québec
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