Votre organisation est-elle prête pour la transparence salariale ?
Par Kévin Deniau
4 avril 2023
Émilie Pelletier reçoit Stepan Arman, Directeur principal des ventes chez Indeed Québec, dans ce nouvel épisode de Vecteur H, l’émission consacrée aux enjeux RH diffusée en partenariat avec Isarta. L’occasion d’aborder la tendance grandissante de la transparence salariale.
L’engouement autour de la transparence salariale ne se dément pas ces derniers temps. Pour plusieurs raisons selon Stepan Arman. D’une part, du fait d’une tendance générationnelle : les jeunes générations réclament aujourd’hui davantage de transparence au cours de leurs recherches d’emplois, y compris au niveau de la rémunération donc.
D’autre part, la transparence reste l’outil premier pour combattre l’inéquité salariale, notamment entre les hommes et les femmes », ajoute-t-il.
Un mouvement généralisé
D’après les chiffres évoqués par Stepan Arman, 75 % des Canadiens ne vont pas postuler à un emploi qui ne contient pas d’informations sur le salaire. D’ailleurs, 63 % des personnes interrogées par sa firme indiquent que le salaire doit paraître clairement dans une offre d’emploi (un chiffre qui culmine même à 68 % chez les femmes).
Cette tendance est loin de ne concerner que le Canada. De plus en plus de juridictions locales ou nationales dans le monde établissent des lois spécifiques (ou y réfléchissent ouvertement) pour inciter voire imposer la transparence salariale : la ville de New-York, les états américains de Washington, du Colorado ou de Californie, l’Union Européenne. Sans oublier l’Île-du-Prince-Edouard, plus près de chez nous.
Au Québec, le taux d’affichage de postes contenant des données sur la rémunération est passé de 60 % à 68 % entre 2021 et 2022, preuve que la vague est significative !
Une notion multifacette
Mais qu’entend-on finalement par « transparence salariale ? » Tout d’abord, il faut comprendre cette expression :
- Au niveau de l’employé – en ayant l’ouverture d’esprit et la volonté de discuter ouvertement de rémunération au sens large (salaire, primes variables, actions etc.)
- Au niveau de la culture d’entreprise – en créant un environnement de transparence qui permet à chacun et chacune de partager, au sein de l’entreprise, ce type d’informations sans crainte de représailles ou d’impact négatif.
Ensuite, il existe différents niveaux de transparence. Tout est une question de nuance. On parle ainsi de transparence :
- partielle : quand on mentionne le salaire qu’au niveau de l’affichage de l’emploi
- de second niveau : quand les fourchettes salariales sont partagées à l’interne et permettent aux employés de se positionner sur la grille en fonction de leurs compétences, de leur expérience et de leur emploi
- Complète : quand tout le monde connaît, au dollar près, le niveau de rémunération pour un poste donné
La transparence est une décision d’affaires, souvent orienté par les RH, insiste Stepan Arman. Cela implique une transparence au global pour l’entreprise ».
Des avantages… mais aussi des points de vigilance
Les avantages sont multiples. Pour l’employeur, c’est déjà un facteur d’attraction et de fidélisation. Cela nourrit la marque employeur et permet d’envoyer des signaux spécifiques sur la culture de l’entreprise. Selon Stepan Aman, les affichages d’emploi qui contiennent des informations sur la rémunération peuvent générer jusqu’à 90 % de candidatures supplémentaires ! Par ailleurs, cela permet d’avoir un processus de recrutement plus efficace : les postulants appliquent en connaissance de cause.
Autrement dit, pas de risque de perdre du temps à engager un processus d’embauche si, d’emblée, les conditions financières offertes par l’entreprise ne sont pas compatibles avec les exigences des candidats.
C’est mauvais en termes d’expérience et les candidats n’auront plus confiance dans cette entreprise et n’y postuleront plus à l’avenir, même s’ils voient de nouvelles offres intéressantes », précise M. Arman.
Comme toujours toutefois, il convient d’apporter quelques nuances à ce portrait idyllique. Opter pour la transparence salariale comporte aussi un revers de la médaille : les employeurs perdent une certaine marge de manoeuvre et de négociation en fonction des bagages ou de l’expérience des candidatures reçus. Comme l’expliquait Shawn Johal dans un épisode précédent : mettre une fourchette, c’est prendre le risque de perdre les personnes qui sont au-dessus et qui auraient pu justifier de faire un effort supplémentaire du fait de leur valeur ajoutée.
Autre difficulté : le malaise généralement à parler de salaire. Ce dernier reste encore un sujet tabou au Canada et particulièrement au Québec. Certains employeurs hésitent à franchir le pas afin de ne pas mettre mal à l’aise leurs équipes, sachant que 36 % des Canadiens estiment être à l’aise pour négocier leur salaire… mais 31 % n’ont jamais parlé de salaire dans leur entreprise !
Une bonne pratique ? Sonder tout simplement les employés pour connaître leurs désirs et rendre le processus de rémunération plus démocratique. Par ailleurs, mettre en avant les salaires sur ses offres d’emplois ne doit pas exempter les entreprises de mettre en valeur les autres avantages offerts (afin de ne pas attirer des personnes intéressées que par l’argent).
La transparence reste une question d’équilibre.
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