Doit-on s’attendre à une vague de départs de cadres supérieurs ?
Par Kévin Deniau
27 juillet 2021
C’est en tout cas ce que laisse craindre une étude qui vient de paraître. Epuisement physique ou mental, stress, augmentation du volume de travail… Le rédémarrage de l’activité après les épisodes de confinement dûs à la pandémie ne s’est pas fait en douceur pour certaines personnes dirigeantes. Diagnostic.
Cette enquête sur le mieux-être et la résilience des cadres supérieurs a été menée par le fournisseur canadien Solutions Mieux-être LifeWorks (anciennement Morneau Shepell) et le cabinet Deloitte, en avril 2021, auprès de près de 1 200 cadres supérieurs dans 9 industries dans les secteurs privé et public, aussi bien au Canada qu’aux Etats-Unis en passant par l’Europe ou l’Afrique.
Le chiffre le plus marquant est assurément celui-là : plus de la moitié (51 %) des répondants envisagent de changer de travail ou de rythme à l’avenir ! Dans le détail, voici la répartition des réponses :
- 23 % songent à démissionner, soit une personne sur quatre
- 16 % pensent à occuper un poste moins exigeant
- 15 % projettent de prendre leur retraite
- 13 % souhaitent prendre un congé
- et 6 %, travailler à temps partiel.
Des chiffres qui évidemment peuvent nuire à la reprise des entreprises à la suite de la pandémie. D’autant, encore une fois, qu’il s’agit de postes à haute responsabilité. Si la tête des entreprises vacille, c’est la stratégie de ces dernières qui peut être remise en cause.
Les raisons de cette démotivation voire désengagement sont multiples. Tâchons de mieux les comprendre.
Déjà , l’enquête effectuée auprès de ces employés occupant des postes d’un et deux niveaux sous le chef de la direction donne de premiers indices :
- La grande majorité des personnes répondantes (82 %) terminent leur journée de travail épuisés mentalement ou physiquement
- 59 % sont incapables de se détendre ou de prendre une pause
- La moitié (49 %) ont du mal à dormir
- Et 43 % signalent une irritabilité accrue
Les cadres supérieurs ont vécu une période où ils ont senti une pression exponentielle à obtenir de bons résultats, tout en ayant à composer avec des perturbations dans leur vie personnelle occasionnées par la pandémie et des bouleversements extraordinaires de leurs activités professionnelles », explique Paula Allen, directrice mondiale et première vice-présidente, Recherche et mieux-être global de Solutions Mieux-être LifeWorks.
Un risque de surmenage
L’augmentation du volume de travail par rapport à la période précédant la pandémie est le premier facteur de stress cité. Ainsi, la grande majorité (79 %) des participants indiquent travailler plus d’heures qu’à l’habitude depuis le début de la pandémie.
Il y a d’ailleurs une forte corrélation entre le nombre d’heures additionnelles et la détérioration déclarée de la santé mentale des participants. Toutefois, le fait de travailler le même nombre d’heures (19 %) ou moins d’heures (2 %) n’a pas empêché la détérioration de la santé mentale chez plus d’un tiers (35 %) des participants, compte tenu des changements dans la nature du travail par exemple.
Mais aussi le tabou de la vulnérabilité
Autre problème sous-entendu : la stigmatisation perçue en cas de problème au travail. La moitié des participants (55 %) s’inquiètent en effet de ce qui adviendrait de leur carrière si on apprenait qu’ils ont un problème de santé mentale. D’autant que les rapports sociaux, traditionnels soupapes de décompression, se sont distandus avec le recours forcé au télétravail.
Un tiers des participants (32 %) indiquent que leurs relations avec leurs pairs ont empiré durant la pandémie. Et 65 % des participants qui rapportent que leurs relations avec leurs pairs se sont détériorées depuis le début de la pandémie signalent également que l’état de leur santé mentale a empiré. Sachant que 59 % de ceux qui disent que leurs
relations avec leurs pairs se sont améliorées rapportent également une productivité accrue.
« Les cadres supérieurs donneront le ton à la façon dont les organisations se relèveront de la pandémie. Pour y arriver de façon efficace, il importe que nous prenions soin de leur santé mentale, favorisions la résilience et offrions un soutien constant qui répond à la gamme de besoins de chaque milieu de travail », insiste Zabeen Hirji, conseillère dans le cadre du programme L’avenir du travail et coleader chez Deloitte. « Cela aura des retombées sur l’établissement d’une culture qui normalise le soutien en santé mentale pour tous les employés. »
Le rapport préconise ainsi une réinitialisation de la culture organisationnelle, de la productivité et du mieux-être global au sein des entreprises. En axant notamment l’effort sur les relations avec les pairs, la déstigmatisation des problèmes de santé mentale et leur perception ou encore du soutien personnel.
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