Et si le meilleur recrutement… venait des équipes en interne ? L’étude de cas de Transat
Par Kévin Deniau
18 mars 2019
Pour répondre à la pénurie de main d’oeuvre qui sévit actuellement, on peut développer sa marque employeur, offrir des avantages à ses salariés, chercher des talents à l’international ou encore… recruter en interne ! C’est la stratégie qu’est venue présenter Transat à l’occasion de la conférence Les Affaires, le 13 mars dernier. Compte-rendu.
En situation de pénurie de talents, nous n’avons pas toujours le luxe de choisir le sentier facile, tout tracé d’avance. Il faut aussi parfois choisir celui qui va nous sortir de notre zone de confort ».
C’est par cette métaphore avec la randonnée qu’a ainsi débutée la présentation de Julie Bilodeau, directrice développement organisationnel et formation chez Transat.
La grande compagnie québécoise spécialisée dans le voyage vacances a en effet opté pour une démarche originale et pragmatique pour combler certains de ses postes vacants : la formation de ses propres employés aux compétences nécessaires plutôt que le recrutement en externe. Une stratégie qui peut inspirer certaines autres compagnies… et qui remonte déjà à plusieurs années.
« Le candidat idéal n’existe pas »
Il y a 6 ans, Julie Bilodeau se voit en effet confier le mandat d’internaliser les formations en ligne de l’entreprise. Elle doit alors recruter une personne qui pourra l’aider à accomplir cette mission. Elle fait appel alors à son service de recrutement… sans succès ! Aucun candidat ne disposait des expertises pédagogiques et médiatiques requises.
Nous avions peut-être des attentes trop élevées et devions nous dire que le candidat idéal n’existait pas, se désespère-t-elle. Mais un randonneur imprévu est arrivé ! C’était un nouveau formateur temporaire dans mon équipe. Il m’a dit : je n’obéis pas à toutes les exigences de ton offre mais j’ai la motivation et je vais le faire ! »
Julie Bilodeau réfléchit et finalement accepte son offre. Elle l’appelle donc en lui annonçant d’emblée une bonne et une mauvaise nouvelle :
La bonne, c’est que tu as l’emploi. La mauvaise, c’est que dans 3 semaines, tu as un projet à faire pour une filiale française et tu devras être prêt ! »
Le « randonneur imprévu » en question, Dominic Lavoie est aujourd’hui superviseur conception de formations chez Transat. Preuve que la greffe a prise et que le pari a fonctionné.
« L’attitude plutôt que l’aptitude »
Mais l’histoire ne s’arrête pas là . Julie Bilodeau s’est attaquée l’année dernière à un nouveau projet de formation, appelé « 3.0 ».
Les objectifs ? Réduire de moitié le temps de formation des agents des centres d’appel (autrement dit, passer de 8 à moins de 4 semaines de formation) et donc les coûts associés, augmenter l’offre de formation continue, offrir une plus grande flexibilité et avoir une approche plus adaptée pour les Milléniaux qui représentent 78 % de la population cible.
Un projet qui nécessitait donc de transformer la grande majorité des contenus en classe afin de les rendre accessible en ligne. C’est-à -dire, concrètement, de créer plus de 200 heures de formation. Un tel besoin ne pouvait se faire sans l’ajout de 8 concepteurs de formation à l’équipe.
On a donc décidé, là encore, de recruter en interne. Pourquoi ne pas faire à plus grande échelle ce que Julie avait fait pour moi il y a six ans », explique Dominic Lavoie.
Il a donc été décidé de proposer aux agents des centres d’appel intéressé(e)s d’envoyer leurs candidatures. Ces derniers connaissaient en effet déjà le système.
Même s’il a fallu faire le deuil de certaines exigences notamment techniques, au profit de certaines compétences rédactionnelles ou de savoir-être. « L’attitude plutôt que l’aptitude (comme la maîtrise des logiciels Photoshop ou de Indesign) », indique Julie Bilodeau.
Recruter en interne, former… et retenir !
Le processus de recrutement en interne n’a alors rien à envier à celui des recrutements classiques à l’externe. À la première entrevue formelle, s’est ajoutée une entrevue de groupe.
La première partie fut consacrée à la découverte, avec une présentation de chacun, pour évaluer le savoir-être. Puis, la deuxième fut plus surprenante pour les candidats sélectionnés : ces derniers devaient concevoir en 1h une formation sur un sujet spécifique et la présenter en équipe.
Puis, test écrit pour mesurer les compétences rédactionnelles et de synthèse, avant de finir par des tests psychométriques pour les candidats restants.
Au final, aucun candidat ne répondait à tous nos critères. On a donc été obligé de les former soit sur le côté pédagogique soit sur le côté médiatique, pour combler leurs lacunes respectives. Ça prend du temps et, encore une fois, cela nous sort de notre zone de confort ! », rapporte Julie Bilodeau.
Un pari que la directrice juge aujourd’hui réussi :
Aujourd’hui, soit un an plus tard, tout le monde est ‘concepteur 360’ et maîtrise les volets médiatiques et pédagogiques, conformément à nos exigences initiales. Ça nous rend fier », déclare Julie Bilodeau.
Pour autant, la question est désormais de savoir comment garder ces salariés sur lesquels du temps et des efforts ont été investis par l’entreprise.
Nos concepteurs n’étaient pas à la même échelle salariale que l’offre que l’on proposait en externe, précise Julie Bilodeau. Mais on leur a expliqué que la formation était une forme de rémunération. Puis, après un an, nous avons réévalué leur salaire. Sinon, ils seraient allés voir ailleurs. Ils sont arrivés au niveau qu’on voulait, ils ont fait des efforts, c’est donc une juste reconnaissance de leurs résultats ».
Avant de conclure :
Si c’était à refaire, on le referait ! Il n’y a rien de plus satisfaisant que de voir une personne en interne se développer et apprendre un métier ».
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