Les publicitaires perdent-ils toute créativité pendant la crise ? Reviewed by Kévin Deniau on . 6 mai 2020 Nous avons posé la question à Hugo Fournier, directeur et lead stratégie chez Cossette et Sarah-Catherine Lacroix, co-directrice de création chez Sid 6 mai 2020 Nous avons posé la question à Hugo Fournier, directeur et lead stratégie chez Cossette et Sarah-Catherine Lacroix, co-directrice de création chez Sid Rating: 0

Les publicitaires perdent-ils toute créativité pendant la crise ?

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6 mai 2020

Nous avons posé la question à Hugo Fournier, directeur et lead stratégie chez Cossette et Sarah-Catherine Lacroix, co-directrice de création chez Sid Lee, alors qu’une capsule ironise sur la similitude des publicités en temps de COVID-19.

Tout commence par un fond sonore de piano. Plutôt sombre et lent. La marque rappelle ensuite depuis quand elle est en affaires et qu’elle a toujours été là pour ses clients. « Les gens », « les familles ». « Aujourd’hui plus que jamais ». « Surtout en ces temps difficiles, inédits, incertains ».

Avant de conclure par « Vous pouvez compter sur nous » ou « vous pouvez nous faire confiance ». Sans oublier le fameux « ensemble » de fin.

Vous pouvez remplacer « la marque » par Uber, Samsung, Re/Max, Apple, Kia, Budweiser, Heineken, Facebook ou encore Lexus et vous aurez leur publicité de la COVID-19.

C’est en tout cas ce que démontre la capsule mise en ligne le 15 avril dernier sur Youtube et qui a déjà dépassé le million de visionnements. Son titre est d’ailleurs évocateur : « Toutes les publicités sur la COVID-19 sont identiques ».

La vidéo a évidemment fait le tour des agences québécoises.

Je l’ai vue quand c’est sorti et cela m’a bien fait rire. Car n’oublions pas que c’est une parodie, » indique Sarah-Catherine Lacroix, co-directrice de création chez Sid Lee.

Une réaction en urgence

Est-ce l’illustration malgré tout d’un manque d’inspiration des créatifs durant cette crise ?

Non, pour Hugo Fournier, directeur et lead stratégie chez Cossette, qui revient sur les facteurs qui contribuent à cette impression de similitude.

Déjà, il y a un facteur temps. Dans un monde normal, pour une captation légère, il faut compter 4 à 5 semaines. Là, pour l’avoir vécu, le délai s’est réduit à quelques jours entre la prise du brief client et la sortie du message ! »

Un constat partagé par Sarah-Catherine Lacroix qui admet n’avoir jamais autant travaillé que lors de ces six dernières semaines :

C’était la première réponse des marques, prise en urgence. Tout le monde était paniqué. »

À noter que certaines marques ont tout de même pris des positions plus décalées, comme Hotels.com par exemple :

Moins d’options de production

Autre raison évoquée : les façons de produire ont été grandement réduites par cette crise.

Avec les mesures de distanciation sociale et de confinement, les options de production se referment automatiquement. C’est pour cela que l’on a vu beaucoup de plans de drônes dans des villes vides, via Zoom ou des cellulaires. Cela donne une impression de similitude mais c’était les options créatives restantes, » affirme Hugo Fournier.

De là à passer à une production plus « durable » après la crise comme l’évoque cette agence en France ? Ou de demander aux acteurs et actrices de jouer aussi le rôle de producteur/rices du contenu, comme Eva Longoria avec L’Oréal ?

Elle ne peut pas trop en dire, mais Sarah-Catherine Lacroix prépare un tournage à distance de son côté.

Une fois la panique passée, il convient de voir les autres façons de production que nous avons. Une publicité, ce n’est pas juste des comédiens qui discutent entre eux. On peut penser entre autres au motion design. »

Cette dernière cite le bon exemple de Coors Light qui a réussi à faire passer un message marquant et créatif, même en cette période :

Avan d’ajouter :

Dans la capsule parodique, on note la présence d’Apple. Mais si on la regarde en entier, on se rend compte que la publicité est quand même réussie et inspirante. Apple a été chanceux car leur plateforme de marque se base sur du User Generated Content (UGC) depuis plusieurs années ! »

Un ton qui s’apprête à changer

Pour Hugo Fournier, il convient de bien faire aussi la distinction entre les phases de la crise :

Au moment où ces premières publicités sont sorties, l’incertitude était totale pour les consommateurs. C’était l’inconnu. Tout le monde cherchait des repères… y compris les humains derrière les marques ! Ces dernières ont donc voulu être bienveillantes et garder leur lien de confiance avec leurs clients. Il était donc normal d’avoir des messages sur la bienveillance, l’empathie ou la réassurance. C’était le thème central de la pandémie, à ce moment, Mais cela limite encore une fois le spectre créatif et on a l’impression de visionner un peu le même message. »

Alors qu’avec la phase de déconfinement qui s’en vient, la tonalité va évoluer progressivement selon lui :

On va plus être dans l’encouragement et l’optimisme. Tout n’est pas parfait mais on voit le lumière au bout du tunnel et on n’est plus replié sur nous-mêmes comme au début. Avec l’arrivée du printemps et des beaux jours, on est face à une double fin d’hibernation en quelque sorte. La transition de tonalité va être importante à saisir avec un consommateur qui reprend confiance. Les messages ne seront peut-être pas plus audacieux mais les annonceurs vont devoir s’aligner sur cet état d’esprit consommateur qui va changer. »

À l’image de la campagne de Metro justement :

La vie continue

Parce qu’on sait que votre vie continue. Ensemble, on est fiers de continuer de nourrir le Québec🌈

Publiée par Metro mon épicier sur Vendredi 24 avril 2020

Autre illustration de cet élan d’optimisme retrouvée avec Tangerine :

The Guardian se demandait d’ailleurs récemment s’il était trop tôt pour faire des blagues en publicité.

Sarah-Catherine Lacroix précise toutefois :

Là où le bât blesse, c’est que des marques ont pris la parole alors qu’elles n’auraient peut-être pas dû, au début de la crise. Tout le monde voulait son message mais si tu n’as rien à dire, tu es mieux de ne pas parler. »

Elle prend l’exemple de la Banque Nationale, un des clients de Sid Lee, qui a offert son temps d’antenne à Héma-Québec, pour inciter à continuer à donner son sang.

C’était une bonne façon de réagir. J’ai vu par contre des marques auto qui ont fait de drôles de messages, en disant qu’ils étaient toujours là et qu’il était toujours possible de magasiner son auto en ligne. Je trouve cela moins pertinent en début de crise, » précise-t-elle

Par ailleurs, Sarah-Catherine Lacroix indique qu’une pétition a circulé ces dernières semaines pour que les Lions de Cannes n’acceptent aucune publicité de la COVID-19.

Je trouve cette réflexion intéressante. La COVID, ce n’est pas un brief, c’est une pandémie. Ce n’est pas le moment de vouloir gagner des prix, il faut aider nos clients en priorité. »

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