Transparence totale des salaires : Un tiers des agences américaines disent oui. Et au Québec ?
21 mai 2019
Selon un sondage récent conduit par The Creative Group, 34% des agences américaines ont une politique de rémunération prônant la transparence totale. Une agence sur trois ! Que penser de ce sondage? Et qu’en est-il de cette tendance au Québec? Nous avons abordé ces questions avec Mélanie Plante, directrice de la culture et des talents chez lg2.
Les chiffres ont de quoi surprendre. Ce sondage mené auprès de 400 agences américaines oeuvrant en publicité et en marketing révèle que 34 % d’entre elles ont une politique de transparence totale, signifiant par là que « les salaires des employés sont disponibles à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise ».
Du côté de la direction, 37 % des gestionnaires sondés voient d’un bon œil cette pratique. Chez les employés, 38% se disent confortables de dévoiler leur salaire à un collègue, mais seulement 32 % se sentent à l’aise de le diffuser à des contacts professionnels à l’extérieur de l’organisation. On constate donc que la partie n’est pas gagnée.
Toutefois, en incluant les agences ont une transparence « interne » – les salaires sont accessibles aux gens de l’organisation (23%) – ainsi que celles qui ont une transparence « partielle » – les salaires des postes sont affichés, mais non ceux des employés (20%) -, on constate que 77% des agences offrent une forme ou l’autre de transparence salariale.
Je ne suis pas du tout surprise, dit Mélanie Plante. Quand on pense que la majorité des agences aux États-Unis sont des petits regroupements, que ce soit des start-up ou des collectifs créatifs, je n’ai pas de difficulté à imaginer que dans leurs principes fondateurs, ils mettent déjà ça en place. »
Il y a des sites comme Glassdoor, qui font que les gens connaissent davantage les échelles de salaire des organisations. Aussi, on sent qu’il y a, au sein des organisations, une volonté d’aller vers une plus grande équité. »
Le sondage du Creative Group contient des résultats qui abondent dans ce sens : l’équité est perçue comme le plus grand bénéfice d’une politique de transparence totale par 23% des gens sondés. Créer une atmosphère de confiance et de collaboration suit à 21%; propulser le recrutement, à 20 %; et augmenter la productivité, à 19 %.
On peut aussi citer cette entreprise française qui explique sur son blogue pourquoi elle a décidé de dévoiler sa grille salariale.
Québec, société distincte?
Face à un tel portrait, il est intrigant de savoir si la situation se transpose dans le monde des communications québécois. Peut-on imaginer des pourcentages comparables au Québec ?
Sans connaître les chiffres exacts, je ne sens pas que nous sommes dans les mêmes proportions au Québec, dit la responsable chez lg2. Par contre, je ne serais pas surprise de voir des pratiques émergentes apparaître dans un proche avenir et je serais, surtout, intéressée que l’industrie se questionne sur cette tendance émergente ».
Au Québec, le milieu est une communauté innovante, jeune et si je peux dire… « no bullshit ». J’ai l’impression qu’avec les nouvelles générations qui rentrent sur le marché du travail, le spectre de la gêne et de la pudeur va diminuer, et qu’on sera tout naturellement amené vers des pratiques de plus grandes transparences. »
Et où se situe l’agence lg2, par rapport à cet enjeu ?
Pour aller dans cette direction, il faut que tout le monde soit à l’aise avec ça. Or, dans le sondage, on voit bien qu’une personne sur trois n’est pas confortable avec l’idée de partager son salaire. On doit aussi tenir compte de cette réalité. Nous n’avons donc pas actuellement une pratique de transparence totale pour l’instant ».
Il y a, selon moi, une question de maturité de pratique pour toute l’industrie. Pour en arriver à une transparence totale, et être à l’aise de tout mettre sur la table, ça prend une maturité de pratique, ainsi qu’une bonne compréhension des concepts de rémunération. Nous n’en sommes pas là. »
La transparence fait toutefois partie des chantiers prioritaires de Mélanie Plante :
En tant que professionnel des ressources humaines, mon objectif, c’est de travailler à toujours plus de transparence et d’authenticité. Sans nécessairement viser la transparence totale, qui est une sorte d’absolu. L’important, je crois, c’est qu’une personne puisse d’abord comprendre comment sa propre rémunération est constituée. Après, qu’elle puisse avoir accès à celle d’un collègue, c’est davantage accessoire. »
Se donner la liberté de négocier
L’éléphant dans la pièce, dans le dossier de la transparence des salaires, c’est sans doute l’aspect de la négociation. Lorsqu’on décide de rendre public le salaire de tout un chacun, on perd sa capacité de négocier une rémunération avantageuse pour des talents « hors normes ».
lg2, qui figure parmi les leaders de l’industrie de la publicité, doit certainement tenir compte de cette considération :
La négociation fait effectivement partie des outils auxquels on a recours, reconnaît Mélanie Plante. Si ça nous permet d’attirer un talent qui est reconnu sur le marché, qui va faire rayonner notre produit, qui va en attirer d’autres et qui va inspirer les jeunes talents, oui, on ne s’empêchera pas de négocier. »
Elle se fixe toutefois une limite :
Avant de conclure une entente, je me pose toujours la question hypothétique suivante : si un contrat était oublié dans la photocopieuse, à quel point je serais à l’aise que le salaire soit dévoilé ? »
L’équité au coeur des préoccupations
L’équité, précise toutefois la directrice de la culture et des talents, demeure le chantier le plus important de lg2, en termes de rémunération.
L’équité est au cœur de nos préoccupations, confirme la directrice. On croit évidemment que les talents qui ont des compétences similaires aient accès aux mêmes ordres de salaire. Et que les rémunérations soient comparables dans les différentes équipes. Sans oublier évidemment l’équité des genres ».
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