Est-ce la fin des bureaux et des espaces de travail tels que nous les connaissons ?
Par Kévin Deniau
29 avril 2020
Parmi les nombreux bouleversements entraînés par la COVID-19, la question des bureaux occupe une grande place. Alors que Québec vient d’annoncer des mesures progressives et graduelles de déconfinement, nous avons interrogé Julie Bourbonnais, psychologue organisationnelle et associée chez Hors Piste.
Cela semble difficile à croire, mais une partie des travailleurs ne retourneront pas au bureau ! »
Rappelez-vous de cette phrase de Julie Hubert, dans un article qui a beaucoup fait réagir récemment sur Isarta Infos. Un constat partagé par cette étude de Gartner qui indiquait, début avril, que trois quart des dirigeants américains interrogés envisageaient de laisser au moins 5 % de leurs employés en télétravail de manière permanente après la crise.
Une chose est sûre : si on ne sait pas encore à quoi ressemblera l’après COVID, on se doute bien que les choses ne seront plus tout à fait comme avant, dans la vie des entreprises. Y compris pour l’aménagement des espaces de travail.
Il y avait, déjà avant la crise, de grands virages d’amorcés. Après les espaces à aire ouverte, on est passé à l’aménagement des espaces pour répondre à différents besoins de concentration ou de collaboration. Présentement, un changement de normes va s’opérer par rapport à la densité et à la sécurité des gens, » affirme Julie Bourbonnais.
Pour elle, la conception même des lieux de travail va changer.
Il va y avoir un plus grand équilibre entre le fait d’être à la maison et dans des lieux qui vont permettre la collaboration. Car le contact humain reste nécessaire mais désormais dans des conditions plus sécuritaires. On va assister ainsi à de nouvelles pratiques d’entretien et de nettoyage des postes de travail… Et cela pendant longtemps a priori. »
Elle cite d’ailleurs des clients qui se posent déjà des questions à ce sujet :
Un de mes grands clients, qui devait incessamment emménager dans de nouveaux locaux, est justement en train de se reposer des questions sur l’aménagement, les pratiques et la vision de ces nouveaux espaces de travail. D’autant qu’on avait beaucoup misé sur la collaboration et la proximité. »
Des questions qui semblaient futiles voire farfelues hier vont ainsi commencer à prendre tout leur sens : quand est-ce qu’il est essentiel de se rencontrer ? Quels sont les avantages d’aller sur son lieu de travail ? Et qui doit vraiment y aller ? En somme, quelle est l’utilité du lieu de travail ?
Pour certaines professions, le travail peut très bien se faire de la maison à temps plein. En fait, cela vient élargir le spectre des possibles sur les façons de travailler, » estime Julie Bourbonnais.
L’accélération de tendances déjà existantes
Cette crise vient toutefois plus accélérer une tendance déjà existante que remettre en cause un modèle établi.
C’est particulièrement vrai pour la transformation numérique, le soutien physique et mental des travailleurs et évidemment le télétravail. Je ne vois pas un retour en arrière désormais sur ces enjeux, » indique la psychologue.
Prenons l’exemple évidemment symbolique du télétravail.
De nombreuses entreprises, frileuses à l’origine, ont dû se résoudre à franchir le pas. Et le fait d’avoir réussi montre aux employés qui l’ont vécu qu’il n’est plus acceptable de dire que ce n’est pas possible. Les résistances et les craintes ne pourront plus tenir la route. Surtout avec l’enjeu que va constituer les déplacements dans les semaines à venir, » assure-t-elle.
Avant d’ajouter :
Après, je ne crois pas non plus à un mode à 100 % en télétravail. Il convient de voir où cela a été utile et où la présence sur le lieu de travail reste nécessaire, notamment en termes de synergie d’équipe. Il y aura aussi des adaptations à faire, des outils à ajuster, des pratiques à clarifier, des formations sur la mobilisation à distance pour les gestionnaires à donner… Mais pas besoin de jeter le bébé avec l’eau du bain, autrement dit de ramener tout le monde dans des bureaux fermés. On sera dans les ajustements. »
Le nouveau fléau : la gestion de l’anxiété
Pour elle, cette crise ne va pas marquer en effet le retour en grâce des bureaux fermés. La nouvelle grande question sera celle de la densité, de l’aménagement spécifique des espaces et des postes et des mesures d’entretien et d’hygiène.
Sans oublier les sujets brûlants que nous avons avec nos clients actuellement : la gestion de l’anxiété des salariés par rapport aux espaces de travail et de la proximité avec les autres. Sachant qu’il y a des risques réels que l’on pourra traiter avec des mesures. Mais d’autres qui seront plus de l’ordre de la phobie et auxquels il va falloir s’habituer. »
Au final, la réintégration sera longue et la réhabituation à son espace de travail se fera « tranquillement pas vite » !
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