La théorie des « bullshit jobs » torpillée par des chercheurs Reviewed by Philippe Jean Poirier on . 18 mai 2022 En juin 2021, des chercheurs du Royaume-Uni ont publié une étude réfutant largement le concept de « bullshit jobs » lancé par feu David Graeber dans 18 mai 2022 En juin 2021, des chercheurs du Royaume-Uni ont publié une étude réfutant largement le concept de « bullshit jobs » lancé par feu David Graeber dans Rating: 0

La théorie des « bullshit jobs » torpillée par des chercheurs

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18 mai 2022

En juin 2021, des chercheurs du Royaume-Uni ont publié une étude réfutant largement le concept de « bullshit jobs » lancé par feu David Graeber dans un essai en 2013, suivi d’un livre en 2018, et qui flotte depuis dans l’actualité comme s’il s’agissait d’une évidence ou d’un fait avéré. Pas si vite, ont dit les auteurs du papier intitulé : Alienation Is Not ‘Bullshit’: An Empirical Critique of Graeber’s Theory of BS Jobs.

Reprenons l’histoire depuis le début. En 2013, l’anthropologiste David Graeber a lancé une petite bombe dans le monde des « RH » en publiant l’essai On the Phenomenon of Bullshit Jobs (lire ici en français). Sa réflexion est la suivante : avec l’amélioration constante des moyens de production, il se demande pourquoi la majeure partie de la société n’est pas entrée dans la société des loisirs annoncée par John Maynard Keynes (1930) ou Joffre Dumazedier (1960).

Nous avons été les témoins de la création d’une grande variété d’emplois et d’industries depuis les années 20, mais très peu d’entre eux ont un rapport avec la production et la distribution de sushis, d’iPhone ou de baskets à la mode », note David Graeber.

En occident, les nouveaux emplois sont rarement reliés à la production de nos biens de consommation. L’anthropologue constate plutôt une prolifération des emplois en finance, en gestion, en marketing, en ressources humaines, qui, selon lui, n’apporte pas de valeur ajoutée à la société. C’est ce qu’il appelle les « bullshit jobs ».

C’est comme si quelqu’un inventait des emplois inutiles, dans le seul but de continuer à nous faire tous travailler.  »

David Graeber a repris ce propos dans un livre publié en 2018, où il précise sa thèse avec des statistiques de l’organisme gouvernemental YouGov au Royaume-Uni. Il avance alors que les emplois « qui n’en sont pas » provoquent chez ceux qui les occupent un manque de sens. Le personnel administratif et de gestion, ainsi que les gens qui travaillent en finance et en marketing seraient selon lui plus enclins à dire qu’ils ne comprennent pas le sens ou l’utilité de leur emploi. Contrairement aux gens qui font des empois « vraiment utiles », mais souvent dévalorisés, comme professeur ou infirmière.

En 2021, un groupe de chercheurs provenant des universités Cambridge et Birmingham au Royaume-Uni ont testé la robustesse de sa théorie en contre-vérifiant cinq de ses affirmations. Voici les trois plus importantes.

AFFIRMATION 1 : Le nombre d’employés affirmant que leur emploi est inutile est plus haut que jamais (de 20 à 50%)

FAUX – Cette fourchette de chiffres est contredite par une étude de Dur et Lent (2019), montrant que seulement 8% des travailleurs trouvent que leur emploi « n’est pas utile à la société ».

AFFIRMATION 2 : des secteurs d’emploi associés aux « cols blancs » ont un taux vraiment très élevé de « bullshit jobs » (ex : le secteur des finances, du marketing et de l’administration) et ceux des « cols bleus » seraient très bas (ex : éboueurs, agriculteurs, concierges).

FAUX. En fait, une compilation effectuée par les chercheurs du Royaume-Uni montre le contraire :

AFFIRMATION 3 – Les emplois inutiles sont une source de « violence spirituelle » et d’un « piètre bien-être ».

VRAI : Malgré le fait que le taux de « bullshit jobs » soient significativement plus bas qu’annoncé par Graeber, les chercheurs du Royaume-Uni conviennent qu’un manque de sens ou d’utilité perçu au travail est fortement lié à un pauvre bien-être psychologique.

Voilà qui met la théorie de Graeber en perspective!


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