La « grande démission », bluff ou réalité?
21 juillet 2021
Les sondages annoncent une vague de démissions sans précédent à la sortie de pandémie. Les futurs «démissionnaires» sont des professionnels soit au bout du rouleau, soit insatisfaits de leurs conditions de travail, soit bloqués dans leur progression de carrière, qui attendaient des jours plus roses pour claquer la porte. Ces travailleurs iront-ils au bout de leur projet de renouveau professionnel ou s’agit-il d’un simple bluff? Analyse.
Si l’on se fie aux sondages des derniers mois, les organisations seront bientôt victimes d’une grande démission collective; les départs des employés les plus précieux se succéderont, ce qui créera la plus grande hémorragie de main-d’oeuvre jamais vue à ce jour.
Parmi tous les sondages effectués sur cette thématique, celui de Monster a su frapper l’imaginaire des médias américains : en juin 2021, 95% des travailleurs sondés ont répondu qu’ils songeaient à quitter leur emploi ! Les 2 raisons mises de l’avant : 32% sont épuisés dans le poste actuel et 29% constatent un manque d’opportunités pour progresser dans leur carrière.
À la suite du sondage de Monster, les médias se sont emparés de ce narratif, qu’ils ont appelé « the Great resignation » ou la « Grande démission ». Si bien que les analystes en employabilité et les chroniqueurs du monde du travail expliquent aux gens « comment démissionner » (!) En voici deux exemples:
- « How to Quit Your Job in the Great Post-Pandemic Resignation Boom » (Bloomberg)
- «If you plan to quit during the ‘Great Resignation,’ here’s what career experts say you need to do» (CNBC)
Le chercheur Anthony Klotz, professeur associé en gestion à l’Université du Texas A&M, explique le phénomène ainsi :
Premièrement, en raison de l’incertitude créée par la pandémie, plusieurs employés qui auraient autrement quitté leur emploi ont décidé de rester. (…) À mesure que la pandémie se résorbe, ces quitteurs potentiels qui se sont tenus «à l’abri de la tempête» pendant l’année passée vont mettre en action leur plan démission. En fait, cette vague de départs est déjà entamée: le taux de départ était de 2,4 % en mars [aux États-Unis], ce qui est un taux record pour ce mois dans les vingt dernières années. En résumé, les démissions retardées par la pandémie se mettent actuellement en branle.»
Les employeurs ne mordent pas
Face à une horde d’employés sur le pas de la porte, on peut se demander comment réagissent les employeurs. Vont-ils soudainement se mettre aux services de leurs employés, en mode séduction, pour s’assurer que ceux-ci restent dans l’entreprise? Il ne semble pas. Dans le dossier du télétravail, ils ont jusqu’à maintenant gardé le cap. Une majorité d’organisations persistent à privilégier une organisation du travail exigeant un minimum de présence au bureau.
De manière très concrète, les employeurs qui ont été sondés par TinyPulse déclarent ne pas percevoir cette vague de démissions sur leur radar. Par exemple, un quart (25%) des professionnels RH ne s’attendaient à aucun (0%) départ post-pandémique. Plus largement, 68% s’attendent à voir une attrition de 0% à 9%, ce qui demeure assez bas.
De deux choses l’une : soit la tendance se concrétise et ces employeurs vont tomber des nues, ou alors, ce sont les travailleurs qui vont se dégonfler et s’accommoder de l’emploi qu’ils ont.
Plus vert dans le jardin du voisin?
Lorsqu’on atteint un taux de 95% d’insatisfaction chez des gens qui sont en poste dans une organisation, il y a aussi lieu de se demander s’il est réaliste, pour un travailleur, de penser qu’il peut trouver de meilleures conditions de travail chez un autre employeur. En fin de compte, il ne fera que combler la chaise de la personne précédente, qui, elle aussi, était insatisfaite dans son poste (!)
La solution? D’une part, les travailleurs doivent trouver les motivations intrinsèques qui les poussent à se dépasser; ils doivent trouver un sens à leur travail. Ils auront ainsi plus de chance d’augmenter leur satisfaction et leur bien-être au travail.
D’autre part, les entreprises ont tout intérêt à se montrer plus ouvertes et plus flexibles, par rapport aux besoins de soutien et d’accompagnement de leur main-d’œuvre.
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