« Un stage, c’est comme une entrevue de 4 mois où chacun s’évalue mutuellement »
Par Kévin Deniau
2 mars 2023
Nouvel épisode de Vecteur H, l’émission sur les ressources humaines en partenariat avec Isarta. Émilie Pelletier reçoit aujourd’hui Alain Tremblay, Directeur général du service des stages à l’Université de Sherbrooke, pour évoquer les avantages qu’ont les entreprises à accueillir des stagiaires et les bonnes pratiques en la matière.
Alain Tremblay est à l’emploi de l’Université de Sherbrooke depuis janvier 2003. Il a occupé les postes d’adjoint à la direction du programme MBA et de directeur adjoint du Centre Laurent Beaudoin (formation continue et programmes MBA pour cadres). Depuis juillet 2017, il est directeur général du Service des stages et du développement professionnel, le 2e plus important au Canada !
Les chiffres ont en effet de quoi impressionner : tous les ans, plus de 5 000 stagiaires en provenance de 50 disciplines sont accompagnés par une équipe de 65 personnes de l’Université de Sherbrooke dans ces programmes d’alternance études – travail. Concrètement, dans le cadre de leurs parcours scolaires, ces étudiantes et étudiants réalisent entre 3 et 5 stages et sont accueillis dans plus de 2 000 entreprises au Québec, au Canada et à l’international.
Un stage, c’est à l’intersection entre le monde du travail et celui des études. Les étudiants sont immergés dans un milieu où ils peuvent mettre en pratique ce qu’ils apprennent à l’école », définit Alain Tremblay.
Effet de la pénurie de main-d’oeuvre ou tendance plus profonde, le recours aux stages par les entreprises est en plein essor. En 5 ans, les offres proposées ont doublé à l’Université de Sherbrooke ! Aujourd’hui, plus de 12 000 offres sont proposées pour seulement 5 000 étudiants.
En informatique, des étudiants peuvent recevoir entre 70 et 300 offres ! », assure Alain Tremblay.
Un rapport de force, comme dans le monde du travail pour les employés, qui penche aujourd’hui nettement en faveur des étudiants. Ces derniers tiennent donc le gros bout du bâton pour choisir une expérience bien loin du cliché du « stage photocopies ». Première conséquence : les entreprises doivent être plus réactives dans leur sélection.
Dès qu’elle reçoivent 4 CV, je leur dis qu’elles doivent immédiatement commencer les entrevues. Les choses doivent aller beaucoup plus vite désormais », conseille M. Tremblay.
Une « entrevue de 4 mois«
Deuxième conséquence, les entreprises doivent séduire les étudiants, comme elles le font pour leurs propres candidats. Selon le gestionnaire, le salaire des stagiaires est un élément important mais ce n’est pas le pus déterminant. Comme il s’agit d’une continuité de l’école et une façon d’apprendre en continu, les étudiants vont rechercher en priorité une qualité d’accompagnement et de mentorat.
Il ne faut pas le voir comme juste un stage mais plutôt la possibilité d’offrir une perspective de carrière. Il faut que l’organisation donne à voir ce qu’elle fait », conseille-t-il.
Et pour cause : près de la moitié des diplomés de l’Université retournent dans une des entreprises dans lesquelles ils ont fait leur stage au préalable ! Le stage apparaît ainsi comme une sorte d’entrevue de 4 mois, où chacun s’évalue mutuellement.
Attention toutefois à ne pas mélanger vitesse et précipitation : certains étudiants se voient en effet offrir un poste dès leur 2e stage, moyennant la prise en charge du reste de leur scolarité. Une opportunité sécurisante à court terme mais qui peut se révéler piégeuse si l’entreprise y ajoute, en contrepartie, une durée obligatoire de maintien en poste les cinq prochaines années.
Pour se différencier dans ce marché pénurique, même en termes de stagiaires, Alain Tremblay suggère aux entreprises d’être créatives dans les avantages offerts, comme l’aide à trouver un logement ou le financement d’une relocalisation. Enfin, il recommande de considérer l’étudiant comme un véritable employé.
Il faut que la personne se sente faire partie de l’équipe. C’est-à-dire qu’il faut la traiter comme n’importe qui et l’inviter à tous les rituels corporatifs, comme la soirée de Noël par exemple. L’honnêteté et l’authenticité sont des valeurs clés », insiste-t-il.
Les avantages pour l’entreprise ? La possibilité de tester de futurs talents potentiels, à moindre frais (d’autant qu’il existe des crédits d’impôts et des subventions) et, enfin, un moyen de faire rayonner sa marque employeur auprès des jeunes générations. Les étudiants parlent entre eux de leurs stages donc autant que le bouche-à-oreille soit positif !
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