Gaëtan Namouric (Perrier Jablonski) : « Les outils ont changé, mais pas la méthode des agences » Reviewed by Philippe Jean Poirier on . 16 octobre 2019 En 2015, le marketeur Gaëtan Namouric lançait son agence, Perrier Jablonski, avec l’intention d’occuper un créneau de consultation stratégique n 16 octobre 2019 En 2015, le marketeur Gaëtan Namouric lançait son agence, Perrier Jablonski, avec l’intention d’occuper un créneau de consultation stratégique n Rating: 0

Gaëtan Namouric (Perrier Jablonski) : « Les outils ont changé, mais pas la méthode des agences »

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16 octobre 2019

En 2015, le marketeur Gaëtan Namouric lançait son agence, Perrier Jablonski, avec l’intention d’occuper un créneau de consultation stratégique niché entre les agences et les entreprises. « On ne veut pas faire le travail ni de l’un, ni de l’autre », avait-il alors expliqué. Qu’en est-il quatre ans plus tard : pari tenu ? Nous lui avons posé la question.

Quand tu as fondé Perrier Jablonski, tu voulais amener les entreprises à adopter une approche “inductive” (NDLR : généraliser à partir des faits) par rapport à leurs problèmes. Est-ce que cette hypothèse s’est confirmée ?

Gaëtan Namouric (G.N.) : Quatre ans plus tard, je peux te dire que ce besoin-là est validé. On s’adresse à des entreprises qui gèrent de la croissance et qui réfléchissent à l’avenir. Et quand on réfléchit à l’avenir, il n’y a pas de réponses toutes faites.

Aujourd’hui, les clients ont fait le deuil d’une approche statistique. Pour une entreprise qui veut innover, prendre les données de Deloitte ou de KPMG pour connaître les nouvelles tendances, ça ne sert à rien. Ça ne permet pas de se différencier de la concurrence.

Quels sont vos services, exactement. Comment ça se passe chez un client ?

G.N. : Nous, on travaille sur deux fronts à la fois : la réalité et la perception. La perception, c’est tout ce qui relève de la communication. La réalité, c’est ce qui a trait à la gestion de changement, à l’innovation et aux bonnes pratiques RH.

Une agence de pub est là pour changer la perception; on ne va pas lui demander de toucher à la réalité. Une agence qui fait de l’accompagnement de changement, elle, ne va pas toucher au marketing. Nous, on considère que c’est une erreur des deux côtés. Notre boulot, c’est d’aider les entreprises à réconcilier la réalité et la perception.

Et vous avez une approche particulière pour atteindre ce but ?

G. N. : Ce qui est nouveau dans notre approche, c’est tout le volet d’ethnologie marketing et de design thinking. On fait notre propre recherche et une fois que l’on a nos insights, on travaille en co-création avec le client. En induction. (NDLR: pour en savoir plus sur le mode de création “inductif’, lire le premier article de la série sur Perrier Jablonski)

On a, entre autres, recours aux entrevues individuelles et à l’observation participative. Quand on fait de l’ethnographie, on cherche à documenter des cas d’usagers extrêmes. On va ainsi chercher de petites vérités cachées.

C’est sûr que, ensuite, le client doit prendre la décision de suivre une intuition. Ça demande plus de courage, mais c’est aussi beaucoup plus gratifiant et différenciateur. Tu t’assures de mettre en marché un produit qui est unique et différent.

La plupart des marques sont en mode déductif. Et c’est pour cette raison qu’elles font tous la même chose. Prenons l’exemple de la Tesla. Elon Musk est arrivé dans le marché de l’automobile avec la prétention suivante : ça fait 20 ans qu’il ne se fait rien de nouveau. Lui, il a fait une voiture électrique qui coûte 140 000 $, alors qu’il n’y a même pas de bornes pour l’alimenter. Il a pris un risque. Et dernièrement, on a appris que Tesla avait dépassé Mercedes en termes de ventes. Nous, on aide les entreprises à inventer des produits nouveaux.

Est-ce que vous offrez vos services principalement aux entreprises, ou est-ce que vous travaillez aussi en collaboration avec des agences de pub ?

G. N. : Ça nous est arrivé de travailler avec des agences, mais il est clair que, pour des raisons économiques, on préfère travailler directement chez le clients.

Par contre, il peut nous arriver de briefer une agence après que notre mandat soit terminé. Car, cela a toujours été clair pour nous, nous ne faisons pas l’exécution publicitaire.

Comment réagissent les agences, dans ce scénario ? Est-ce qu’elles voient ce nouvel intermédiaire d’un bon oeil ?

G. N. : La plupart sont contentes de nous voir arriver. Au moment de les briefer, elles savent qu’elles ne vont pas pelleter des nuages. Le carré de sable est extrêmement petit. Elles vont passer directement à l’exécution.

Ce n’est pas un peu surprenant que les agences de pub n’occupent pas déjà le créneau de l’ethnographie marketing ? L’agence que tu décris, ça ressemble davantage à l’agence du futur qu’à un nouvel intermédiaire entre les entreprises et les agences traditionnelles, non ?

G. N. : Le challenge, c’est que l’industrie publicitaire est une industrie plutôt conservatrice. On travaille aujourd’hui comme on travaillait en 1969. Les outils ont changé, mais la méthode n’a pas changé.

Je te donne un exemple : en agence, on pense que l’idée ne peut venir que d’un créatif. En agence, on pense qu’on en sait plus que le client, et que l’on doit conserver ce savoir-là, car c’est la garantie que le client va avoir besoin de nous.

Nous, on pense exactement le contraire. Pour être de bonnes entreprises, nos clients doivent en savoir autant que nous. Et c’est pourquoi on fait beaucoup de partage de connaissances, par des documents que l’on donne au client, ainsi que des conférences et des formations que l’on met sur pied.

C’est un portrait dur que tu fais de la pub, non ?

G. N. : Les agences, je crois qu’elles aimeraient bien changer. Mais il y a une grosse étiquette qui leur colle dans le dos, et elles doivent gérer les attentes de leurs clients.

Aussi, elles sont constamment dans l’urgence du prochain mandat. Elles réparent des robinets qui coulent, en quelque sorte. On ne peut pas demander à un plombier de réinventer le robinet.

C’est une merveilleuse école. C’est une industrie qui te force à réfléchir tellement vite que tu finis par devenir un athlète du cerveau. Par contre, cette vélocité d’esprit là n’est pas utilisée pour réinventer leur industrie. Et ça, c’est plate.

Tu viens de la pub, toi aussi. Pourquoi as-tu l’impression que Perrier Jablonski a plus de marges de manoeuvre par rapport aux entreprises ?

G. N. : Tout d’abord, on est parti d’une page blanche. Donc, on n’a pas eu à défaire les idées préconçues de nos clients. Ensuite, on a une attitude qui nous permet d’innover, en étant bienveillant et brutal avec nos clients. Brutal, parce qu’on n’hésite pas à dire les 4 vérités à un client. Mais bienveillant, parce qu’on fait beaucoup de partage de connaissances.

Pour innover, il faut que tu mettes les conditions en place. Il faut que tu aies les bons outils, mais il faut aussi que l’on te donne la permission d’innover.

C’est comme un enfant de 12 ans qui aurait un vélo de 8 000 $, mais dont les parents lui interdisent d’en faire ou lui disent constamment qu’il n’est pas bon… Nous, on arrive dans les entreprises et on s’assure que les conditions d’innovation sont là.

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